Cette enquête Bouchardeau permet surtout d’apprécier les volets « développement durable », en particulier environnementaux du projet, qui sont porteurs de gros enjeux.
Les enjeux sociaux et économiques sont aussi déterminants , mais ils relèvent de la programmation initiale du projet et ont été certainement débattus plus en amont dans le cadre du CPC : il est trop tard pour y revenir.
Composition urbaine et paysage :
L’option centrale est la construction de tours dont au moins un IGH (Immeuble Grande Hauteur) .
C’est une option très déterminante pour la qualité urbaine et architecturale du projet et sur laquelle le débat pour ou contre les tours n’est plus d’actualité. La vraie question étant à ce stade d’apprécier si on se donnera les moyens de réussir des complexes immobiliers, mixtes, écologiquement acceptables, bien intégrés dans leur environnement et susceptibles d’apporter un vrai référentiel de qualité à ce paysage déstructuré de franges.
En assurant la bonne continuité urbaine annoncée entre Paris et sa banlieue, ce qui peut susciter quelques réserves quand on crée un ilôt de densité sur un faisceau d’infrastructures aussi complexe.
L’étude d’impact : Ce pavé est un modèle du genre, dont on n’attend plus grand chose et ceci pour des raisons qui sont maintenant bien connues et qu’on peut brièvement rappeler :
– financées par le maître d’ouvrage elles sont définitivement sous influence
– elles apportent les demandes et les réponses, le véritable débat est en amont
– elles ne hiérarchisent pas les problématiques abordées
– elles ne livrent pas de conclusion synthétique permettant un vrai débat sur des questions de fond.
Au demeurant, celle-ci est très bien faite, juste cafouilleuse sur l’hydrologie (prévention des crues) mais elle a le mérite de faire explicitement référence à une phase ultérieure de débat sur les thèmes environnementaux, qui seront intégrés dans les Cahiers de Prescriptions des Maitres d’Ouvrage promoteurs-constructeurs en phase avec le Plan Climat (cf infra).
Plus intéressantes sont les études thématiques sur le bruit et les pollutions urbaines, très techniques dans leurs analyses mais malheureusement conceptuellement encore très limitées dans leurs conclusions.
L’étude de bruit :
La campagne de mesures et la modélisation du trafic à terme permet d’extrapoler des niveaux de bruit à trois altitudes NGF sur le site (niveau sol, 1,5m et 20m) ; le résultat attendu est que l’exposition au bruit augmente avec l’altitude et que les zones de calme (inférieures à 60 dB) sont très limitées aux cœurs d’ilôts.
Paradoxal pour un site où l’on veut construire en hauteur ? Sûrement pas si on y construit des immeubles fermés, climatisés et fréquentés seulement aux heures de bureaux…
A défaut d’une diminution espérée du trafic sur un site très intermodal, mais qui restera un point de croisement des flux automobiles, les conclusions sont plutôt basiques : réduire les niveaux sonores de la circulation en adaptant les revêtements de voiries.
L’étude sur les pollutions urbaines : Cette étude sur la qualité de l’air est caractéristique du genre en l’état de nos connaissances actuelles sur le sujet : beaucoup de calculs d’experts sur de nombreux paramètres ( NO2, O3, CO, COVm , NOX , poussières …) , simulés à terme à trois altitudes ( différentes des précédentes) , pour aboutir à des conclusions lénifiantes qui masquent en fait notre ignorance sur les effets long terme de ces expositions polluantes sur la santé.
En conclusion :
Il n’est pas question de faire un procès d’intention à la SEMAPA sur les lacunes d’une procédure obsolète – l’étude d’impact- et des dossiers techniques inopérants-sur le bruit et les pollutions urbaines- parce que, par exemple, dix ans après la promulgation de la Loi sur l’Air nous sommes encore incapables de lutter efficacement contre les nuisances urbaines (1).
Mais on peut se poser, peut-être tardivement, quelques questions sur ce thème générique de l’environnement voire du développement durable :
Question 1 :l’opération Masséna- Bruneseau n’est-elle rien d’autre que la construction d’un complexe de tours sur un « échangeur », à une encablure d’un incinérateur ?
Pourquoi vouloir à toutes forces valider l’idée d’un quartier habité par des gens qui vivraient mieux ailleurs, alors qu’il s’agit en fait d’un pôle tertiaire dont rêve la SEM pour achever en beauté la ZAC aux portes de Paris ?
Avec un risque financier certain dans un marché tertiaire tendu, mais chacun ses risques…
Question 2: il y a eu un avant Plan Climat de Paris, voté en 2007, y a t-il un après ?
On aurait pu s’attendre à ce qu’il serve de cadre général aux études préalables en fixant des cibles stratégiques en matière d’émissions de GES ( Gaz à effet de Serre), de maitrise de l’énergie, voire de bilan carbone .
En fait le rapport de présentation sauve la mise en précisant ce qui suit :
« Les nouveaux programmes de bâtiments s’attacheront en matière de construction à respecter les objectifs du Plan Climat en matière de consommation et de production d’énergie. »
Dont acte ! Reste à rêver de tours écologiques…
(1) NDLR : cette appréciation sur les études d’impact n’engage que son auteur.