Lorsque l’architecte irako-britannique Zaha Hadid remporta le concours international pour un nouveau stade olympique de 80.000 places pour les JO de Tokyo de 2020, rien ne présageait que les choses prendraient une telle tournure. Et pour cause, son projet semblait le mieux correspondre aux nouvelles attentes du cahier des charges du CIO pour le stade : une capacité de 80.000 spectateurs, un toit rétractable, mais surtout un stade avec une excellente performance environnementale, réutilisable, et qui s’intègre dans le contexte urbain.
Mais dés la fin 2012, après avoir été accepté, le projet a du faire face à de vives critiques d’architectes (qualifiant le stade de « monstruosité de 80.000 places »), de l’opinion publique et des politiques, à propos de son esthétique et de son coût. Ce mouvement d’opinion pris ayant de plus en plus d’ampleur, le premier ministre Shinzo Abe a ordonné le 17 juillet 2015 l’abandon du projet et a lancé un nouvel appel d’offres.
Les raisons de la contestation du projet,
et de sa remise en cause
Le premier problème qui est apparu assez rapidement est celui du prix. Alors qu’en 2012 le stade devait coûter 946 millions d’euros, le Conseil japonais des sports (JSC) a révélé le 7 juillet 2015 que le stade devrait coûter 1,9 milliard d’euros, bien plus que n’importe quel stade olympique. Ce prix a été justifié par le dirigeant du JSC, Musao Yamazaki, par le fait que seules quelques entreprises peuvent le réaliser. Le cabinet de Zaha Hadid rétorque que cette augmentation ne peut pas découler du design car les matériaux et les techniques utilisés sont connus.
Le coût annoncé, ainsi que l’opacité entourant le projet, ont déplu aux Tokyoïtes, qui y ont vu un nouvel exemple d’échange secret entre politiciens, bureaucrates et businessmans. Ils leur reprochent d’utiliser des moyens très importants pour le stade, alors que les zones détruites par le séisme et le tsunami de mars 2011 doivent encore être reconstruites. De plus, le gouverneur de Tokyo, Yoichi Masuzoe, n’a pas voulu contribuer au financement du stade (à hauteur de 371 millions d’euros) comme l’avait exigé le gouvernement national.
Enfin, les raisons de la contestation sont d’ordre esthétique et urbanistique. En effet, alors que le projet a été sélectionné par un jury présidé par l’architecte Tadao Ando, un collectif de plusieurs architectes, les « Gardiens du Stade national » s’est formé en 2014 pour protester contre « la monstruosité de 80.000 places ». Le qualifiant « de casque de vélo », moquant sa forme sur Internet en parodiant le stade en WC ou en grille-pain. Si les raisons esthétiques et urbanistiques ont largement été utilisées, le fait que l’architecte du stade ne soit pas japonais a aussi bien sûr déplu aux Gardiens du Stade national.
De plus, la destruction du stade national pour construire le stade olympique, son impact environnemental sur le quartier vert des jardins extérieurs du sanctuaire Meiji, ont fortement déplu aux architectes. Et les tokyoïtes, qui utilisent ces espaces comme lieu de promenade sont également montés au créneau. Finalement, l’impact environnemental a été jugé préoccupant à un moment où Tokyo souhaite organiser des JO verts, en contradiction avec les faibles mesures prises par le Japon pour la COP-21.
Et maintenant ?
Des sportifs médaillés comme Yuko Arimori ont critiqué le projet, des manifestations ont été organisées, et même si les partisans du projet continuent à le défendre, que va-t-il se passer ? Le cabinet de Zaha Hadid a fait connaître son agacement et sa profonde déception, mais n’a pas décidé pour le moment d’engager une procédure. Un nouvel appel d’offres a donc été lancé, comme l’a annoncé le ministre des sports Hakubun Shimomura, avec pour objectif de choisir un nouveau projet en janvier 2016, parmi les architectes japonais, et de terminer ce nouveau stade d’ici au printemps 2020.
Malheureusement, cette échéance implique que le Japon ne pourra finalement pas accueillir la coupe du monde de rugby de 2019, et la fédération de rugby a exprimé « sa profonde déception » en attendant des précisions.
Si, comme le rappelle un éditorial du 18 juillet dans le journal de centre gauche Asahi, « la pagaille autour du stade révèle la réalité de la politique japonaise : les gens au pouvoir agissent pour eux en usant de leur influence », ce stade olympique est un autre exemple « d’éléphant blanc ». Ces projets controversés pour des raisons plus ou moins claires, le plus souvent financières, comme le Centre des Congrès de Lyon ou l’EPR de Flamanville. Cependant, si la tendance aux « éléphants blancs » semble à la baisse en France, cet exemple japonais doit rappeler que nous ne sommes pas à l’abri d’un tel imbroglio.
Forestier Arnaud.
Étudiant à l’Institut français de géopolitique