Utopies locales et laboratoire social : l’exemple du 13e arrondissement de Paris. Extrait de l’article d’Anne Raulin paru dans L’Année sociologique, 2008/1 (Vol. 58).
Le projet pluriculturel de la paroisse [Saint-Hippolyte] ne voulait pas se limiter aux seuls arrivants du Sud-Est asiatique. Elle chercha à fédérer l’ensemble des cultures présentes sur son territoire en lançant une idée de mur peint sur la façade extérieure des bâtiments de la paroisse, et en faisant appel à toutes les contributions disponibles dans le quartier. Des ateliers de créativité furent mis en place, les écoles furent appelées à participer à un concours de dessin. Il s’agissait de représenter l’imaginaire collectif du quartier, « animaux mythiques issus du fond des mémoires, tronc commun de nos multiples cultures » (documents paroissiaux). Le thème du mur, en réalité mur pignon de la paroisse, fut décliné en fonction de ce projet de rassemblement des cultures : « Les cultures font le mur », « Tu seras le mur de la mémoire des hommes, de la mémoire du monde, le mur de la rencontre […] Je veux fixer la mémoire de demain », « Finis les murs de la séparation, le mur peint va vous réunir », telles étaient les formules qui accompagnèrent la réalisation, d’inspiration quelque peu chagallienne, de ce mur en 1988. La mobilisation et l’organisation de la « fête du premier coup de pinceau » inaugurée par Harlem Désir ,ancien élève du lycée Claude-Monet et ancien du quartier, furent, semble-t-il, exemplaires. Elles impliquèrent la participation de groupes fort divers : conteurs et musiciens togolais, orchestre portugais, femmes clowns, cracheurs de feu, lions asiatiques, buffets multiculinaires… Une licorne de 7 m de long fut transportée de la région de Montargis, apportant avec elle une caution mythique à l’événement. L’association AVRIL 13 ne manqua pas de lancer une campagne de sensibilisation, d’inviter la presse et les officiels…