Tours d’habitation : le prix de la hauteur

On reproche aux tours leur hauteur élevée, mais parfois aussi leur coût élevé…

Quelles sont les réalités objectives?
La démarche proposée s’inspire de la méthode dite « des plus et des moins » du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment). La comparaison porte sur des logements de 4 pièces, de même surface (80m²), même plan, même exposition, même qualité d’équipements et de finitions, l’un dans un immeuble de 6 étages (R+6), l’autre dans une tour de 30 étages (R+30), sur des sites équivalents.

Le coût de construction
Certains postes sont indépendants du nombre d’étages : façades et fenêtres, planchers, aménagements et équipements intérieurs (cloisons, portes et placards, électricité, chauffage, plomberie, cuisine et salles d’eau, revêtements de sol, peintures, finitions, etc..)

D’autres postes présentent des écarts, en plus ou en moins :
éléments porteurs verticaux et fondations
Le cumul de charges et surcharges verticales se traduit par un dimensionnement approprié des éléments porteurs verticaux et des fondations. Le surcoût du R+30 est à répartir sur l’ensemble de la construction.
toiture
Le coût de la toiture ramené au logement est 5 fois plus faible pour le R+30 (répartition sur 30 niveaux d’appartements au lieu de 6)
ascenseurs
Le coût de l’installation divisé par le nombre de logements est à peu près équivalent dans les 2 cas mais la consommation d’électricité des ascenseurs a un impact sur les charges plus élevé dans le cas du R+30.
sécurité incendie
La sécurité incendie liée à la réglementation applicable aux immeubles de grande hauteur, catégorie habitation IGH A (niveau bas du dernier étage au dessus de 50m du sol accessible) est une spécificité impliquant un surcoût.

Globalement, la part commune est largement prépondérante. Le solde des écarts, estimé à partir de ratios, est de l’ordre de 10 à 15% du coût par appartement.

L’incidence du terrain
A Paris, les terrains constructibles sont rares, le prix toujours très élevé du foncier ne peut être évalué que pour un site défini et en intégrant des coûts de démolition du bâti existant.

En rapport avec le nombre de niveaux, l’impact du prix du terrain par appartement est plus faible dans le cas du R+30, l’avantage est d’autant plus grand que le m² de terrain est plus cher. Les tours bénéficient économiquement de meilleurs atouts dans des quartiers bien cotés.

Nota : S’agissant des coefficients d’occupation des sols et des limites de hauteur, des dispositions spécifiques sont définies, cas par cas, dans les ZAC. Chacun des 11 projets d’aménagement en hauteur en bordure du périphérique donnera lieu à une adaptation du PLU soumise à sa propre enquête publique. Le futur Grand Paris bénéficiera d’un assouplissement des règles d’urbanisme concernant les hauteurs.

Le niveau des charges
Charges des parties communes, dites générales : elles concernent le nettoyage et l’entretien, l’éclairage des parties communes. Les interventions éventuelles sur le gros oeuvre, le ravalement des façades, ainsi que les frais d’administration de l’immeuble : impôts et taxes, honoraires du syndic, salaire du gardien.
La différence entre R+30 et R+6, résulte du surcoût du gardiennage spécialisé IGH, obligatoire 24h sur 24.
L’impact individuel des autres postes est à peu près équivalent dans les deux cas mais le ravalement des façades, tous des 10 à 20 ans, est moins coûteux par appartement pour le R+6 que pour le R+30.

Charges d’équipements communs et de services collectifs : elles concernent les dépenses de fonctionnement, de remise en état, de remplacement ou de réfection de d’installation de chauffage, du système de production d’eau chaude, des ascenseurs.
Sont comprises notamment, les consommations de chauffage (dans le cas d’un chauffage collectif), les consommations d’eau chaude (dans le cas d’un système collectif d’eau chaude). L’impact individuel de l’entretien et des consommations de chauffage et d’eau chaude collective dépend d’autres facteurs que la hauteur.
La consommation électrique des ascenseurs est liée à l’intensité du trafic et aux distances parcourues, elle est plus coûteuse par appartement pour le R+30.
Les dépenses de sécurité incendie sont spécifiques aux IGH, elles ne s’appliquent bien entendu qu’au R+30. La réfection des systèmes de sécurité incendie est à prévoir après 30 ans de service.

Selon une étude comparative réalisée en 2005 par URBANIS pour la Ville de Paris, les charges générales des tours des Olympiades, hors espaces extérieurs, s’élevaient à 40.30 €/m²/an (env. 45 € actuels) alors que le niveau courant des charges dans des immeubles « classiques » avec des prestations analogues (gardien, ascenseur, chauffage et eau chaude collectifs) était de l’ordre de 32 €/m²/an (env. 36 € actuels). La différence est liée principalement aux contraintes de sécurité (personnel de surveillance 24h sur 24) et partiellement au surplus de consommation électrique des ascenseurs.

Etat comparatif global :
L’avantage va au R+6 pour le coût de construction seule et pour les charges, mais dans le contexte parisien, l’incidence du foncier (terrain + bâti existant + démolition) fait plutôt pencher la balance en faveur du R+30. Une approche générale ne permet pas de conclure. C’est seulement à partir de cas concrets qu’il est possible d’affiner le résultat en remplaçant les valeurs indicatives par des données réelles.
Le R+6 et le R+30 ne se départagent pas principalement par le coût total ramené au logement, mais par le nombre de logements créés qui est dans un rapport de 1 à 5.

R+6 ou R+30? C’est toujours mieux d’avoir le choix.
Personnellement, j’ai choisi d’habiter dans un appartement de 4 pièces au 24ème étage avec vue sur Paris. Acheté en 1980 l’équivalent de 80.000 € (160.000 après inflation) sa valeur actuelle est de 400.000 €. Le supplément de charges réparti dans le temps est largement compensé par un coût initial inférieur à celui d’un immeuble traditionnel. Et, moins prosaïquement, vivre dans le ciel de Paris a-t-il un prix?

Alain JOUBAIRE