Le contribuable parisien a bon dos !

Sauvons le Grand Ecran !

« Des magasins il y en a plein, le Grand Écran on en n’a qu’un ! »

Dans l’article paru dans Le Parisien le 14 octobre (« Ils rêvent d’un nouvel avenir pour le Grand Ecran Italie »), une fois de plus les arguments du maire du 13ème pour justifier la fermeture du complexe audiovisuel en janvier 2006 ne tiennent pas (voir : RÉPONSE AUX ARGUMENTS DE LA MAIRIE). En effet, si la fréquentation a baissé de 12% en 2005, la baisse se situait en-dessous de la moyenne nationale. Et malgré la concurrence féroce des multiplexes, cette salle emblématique se maintenait dans le peloton de tête des meilleures fréquentations de la capitale, et venait même de battre de nouveaux records d’affluence (voir « Le Grand Écran Italie en chiffres »).

Quant à savoir si « les habitants ne verraient pas forcément d’un bon oeil qu’on dépense des millions pour projeter des films commerciaux », de quel oeil les parisiens doivent-ils considérer l’abandon par EuroPalaces (Pathé-Gaumont) des obligations de la convention signée avec la Ville de Paris, qui prévoyait d’y programmer bien autre chose que des « films commerciaux » (voir le cahier des charges dont s’inspire notre grand projet multiculturel pour la renaissance de la salle) ? Et a-t-on demandé l’avis des citoyens sur les sommes pharaoniques dépensées sur les deniers publics pour l’aménagement du Cent quatre* dans le 19ème (un investissement de plus de 130 millions d’euros, 8 millions d’euros annuels de subventions de la Ville de Paris) ? De même la réhabilitation et l’isolation phonique du Louxor* dans le 18ème (pour un coût de 30 millions d’euros) justifie-t-il de laisser à l’abandon un équipement de l’envergure du Grand Ecran** doté, lui, d’une parfaite isolation et accessibilité ?

Contrairement aux propos du maire, il ne s’agissait donc pas pour la Ville de « se substituer au privé » mais de faire respecter la convention qui garantissait l’exploitation culturelle du lieu, à l’instar de celle que le même exploitant vient de signer avec la société d’aménagement et d’économie mixte Val de Seine pour la construction d’un multiplexe sur l’île Seguin***. Par ailleurs la séparation argent public/privé n’est pas aussi catégorique que les élus du 13ème veulent bien le faire croire. Et le Grand Écran, présenté à sa construction comme grand chantier de l’état et réalisation de la municipalité, n’a-t-il pas bénéficié d’un financement public sous la forme d’un prix préférentiel accordé sur le terrain, en contrepartie d’un certain nombre d’obligations jetées aux orties ? (Et d’ailleurs le maire de Paris ne projette-t-il pas de confier l’exploitation cinématographique du Louxor à un partenaire privé dans le cadre d’une délégation de service public **** ?)

Les chiffres démontrent que malgré une piètre programmation le Grand Écran – déclaré « d’intérêt général » par le Conseil de Paris – continuait à attirer des milliers de spectateurs de toute l’Ile-de-France et au-delà. A l’heure où les cinémas se mettent à la retransmission de grands évènements culturels et sportifs***** pour laquelle cette salle décidément en avance sur son temps a été spécialement conçue, c’est à juste titre qu’on peut « rêver d’un nouvel avenir pour le Grand Écran Italie »… et s’interroger sur l’étrange obstination des pouvoirs publics à écarter d’emblée toute recherche de solution culturelle alternative, revenant à cautionner le fait de faire financer par le contribuable parisien un profit immobilier pour Gaumont !
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* Voir : « Brèves de salles »
** dont le prix de vente indiqué dans la promesse de vente se monte à 7 millions d’euros
*** apparemment sans que les habitants n’aient été davantage consultés (voir les réactions à cet article)
**** « rechercher des financements, notamment privés » fait également partie des attributions du directeur du « 104 » (réalisation publique) : voir ce blog de Mediapart.
***** voir « Le retour en grâce des salles uniques ? » et « Le Grand Ecran ferait une salle IMAX de premier choix »