Qu’entend-on par Grand Paris ?

Carte du Grand Paris

L’idée d’un Grand Paris débordant des limites de la capitale a plusieurs fois été évoquée depuis le début du siècle dernier. La ville de Paris (2,24 millions d’habitants) ne couvre en effet que 100 km² alors que le territoire aggloméré (5,58 millions d’habitants) s’étend sur près de 1 600 km², soit une superficie comparable à celle de la ville de Londres (Greater London). L’idée progresse dès le début des années 2000, aussi bien du côté de la Ville de Paris que du côté de l’État, suite à l’« Appel pour le Grand Paris » lancé en mars 2005 par un groupe d’urbanistes, d’architectes et d’experts qui demandent la création d’un atelier de la métropole parisienne.

C’est ainsi que le 7 juillet 2006, 42 élus se rassemblent autour d’enjeux communs (les déplacements, le logement, le développement économique) dans le cadre de la Conférence métropolitaine, en réponse notamment à l’appel du Maire de Paris et du président de la Région, tandis qu’un an plus tard l’État propose des pistes de réflexion pour l’aménagement de la métropole parisienne.

Le discours-programme de Nicolas Sarkozy pour la Région d’Île-de-France (26 juin 2007)
Alors que le Schéma directeur de l’Île-de-France (SDRIF) est en cours de mise au point par la Région (sur la base d’une structuration de la zone dense par des rocades de transport en commun), le président de la République expose sa vision du développement de la métropole parisienne dans son discours d’inauguration du satellite nº 3 de l’aéroport Charles-de-Gaulle.

Il identifie quatre leviers de changement :

  • les infrastructures avec la construction de transports en commun circulaires,
  • l’urbanisme, avec le développement de l’habitat collectif en centre-ville et de l’habitat individuel en périphérie,
  • la recherche et l’enseignement supérieur, avec le renforcement de l’attractivité des campus universitaires,
  • l’organisation des pouvoirs, Paris étant la seule agglomération de France à ne pas avoir de communauté urbaine.

Nicolas Sarkozy propose une mobilisation des administrations concernées pour étudier ces questions et définir une stratégie, ainsi que le schéma directeur correspondant, à adopter fin 2008 au cours d’un Comité interministériel d’Aménagement du territoire dédiée à l’Île-de-France.

Le discours de Nicolas Sarkozy sur un projet de « Grand Paris » (17 septembre 2007)
Les propositions du président de la République se précisent quelques mois après dans son discours d’inauguration de la Cité de l’architecture. Il annonce son intention de lancer, par le biais de cabinets d’architectes français et internationaux, un diagnostic prospectif, urbanistique et paysager pour contribuer à la définition d’un nouveau projet d’aménagement global du « Grand Paris ». Dans la foulée (27 décembre 2007), le ministère de la Culture lance une consultation internationale en vue de sélectionner dix équipes pluridisciplinaires chargées de produire des idées d’aménagement de la métropole du 21e siècle.

La création d’un Secrétariat d’État au Développement de la Région Capitale (18 mars 2008)
Christian Blanc est nommé Secrétaire d’État en charge du développement de la Région Capitale, avec pour mission de définir une vision pour la Région Capitale à l’horizon 2030, avec de grandes opérations d’aménagement (Plateau de Saclay, Plaine de France) et les réseaux de transport nécessaires au bon fonctionnement régional. Le Secrétaire d’État participe également à la consultation internationale sur le Grand Paris, les dix équipes d’architectes-urbanistes sélectionnés devant « produire des scénarios de développement du territoire de la Région Capitale à partir d’un diagnostic global ».

De 2008 à 2009 : parallèlement aux réflexions du gouvernement, les collectivités locales de l’Île-de-France poursuivent leurs actions en matière d’aménagement.

Le lancement des assises de la Métropole (25 juin 2008)
Plus de 200 élus faisant partie de la Conférence métropolitaine, réunis à la Plaine-Saint-Denis, lancent les bases d’un « syndicat mixte » pour tenter de peser face au gouvernement dans les projets d’aménagement de la métropole parisienne. Les statuts de ce syndicat sont élaborés dès octobre 2008 et leur validation en avril 2009 se concrétise par la création du Syndicat Mixte Paris-Métropole le 10 juin 2009.

L’adoption du SDRIF par le Conseil régional d’Île-de-France (25 septembre 2008)
Le SDRIF adopté prévoit une structuration de l’agglomération dense par une ligne de métro circulaire reliant les lignes de métro prolongées en banlieue et les différentes lignes ferroviaires.
Le document présente trois tracés possibles, au sein d’un fuseau irriguant la Première Couronne, pour ce projet de métro dénommé Arc Express.

La mise au point d’Arc Express
Le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif) affine le projet Arc Express dont il précise les tracés, les coûts et le mode de fonctionnement. Pris en considération par le Conseil d’administration du Stif en juillet 2009, le projet fait l’objet d’une saisine de de la Commission nationale du débat public (CNDP) qui approuve en septembre 2009 l’organisation d’un débat public sur Arc Express.

Après l’inauguration de l’exposition « Le Grand Paris de l’agglomération parisienne » par Nicolas Sarkozy, l’appellation Grand Paris tend à se focaliser sur le projet de métro.

La présentation des résultats de la Consultations des architectes-urbanistes (mars 2009)
Les dix équipes d’architectes-urbanistes chargées de donner leur vision de la future agglomération parisienne présentent leurs projets lors d’un débat « Le Grand Paris – À la recherche de nouveaux équilibres »  organisé par la Cité de l’architecture et du patrimoine. Ils prônent la multiplication de métros aériens, de tramways, de bus rapides, mais leurs projets n’auront pas de suite et la vedette leur est volée un mois plus tard par l’annonce du projet de métro du Grand Paris.

Le discours de Nicolas Sarkozy lors de l’inauguration de l’exposition « Le Grand Paris de l’agglomération parisienne » consacrée aux travaux des architectes-urbanistes (avril 2009)
Dans son discours, le président de la République annonce la création du métro du Grand Paris conçu par Christian Blanc. Destiné à relier les pôles d’excellence situés tout autour de la capitale, le projet se compose d’une double boucle et du prolongement de la ligne 14 jusqu’aux deux aéroports internationaux, ce qui totalise une longueur de 130 km. Le financement du projet, d’un coût de 21 milliards d’euros, doit faire l’objet d’une recherche de nouvelles sources, dont la valorisation foncière. Cette recherche est confiée à Gilles Carrez, rapporteur général de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, qui remet son rapport en septembre 2009. Ce dernier précise que les recettes liées à la valorisation foncière et immobilière ne doivent pas faire illusion et propose d’associer les Collectivités territoriales à la politique d’aménagement dans le cadre de contrats d’aménagement.

Le premier semestre 2010 voit la mise en place d’outils institutionnels pour la réalisation du Grand Paris, en particulier pour le projet de métro.

La création de l’Atelier international du Grand Paris (février 2010)
Un Atelier International du Grand Paris regroupant les dix équipes d’architectes-urbanistes est créé, afin de les rassurer en leur prouvant que le Grand Paris ne se limite pas à un projet de transport. Les architectes-urbanistes pourront travailler ensemble pour modeler le Grand Paris, le faire évoluer et l’enrichir.

La promulgation de la loi relative au Grand Paris (3 juin 2010)
La loi établit les fonctions du Grand Paris et précise les moyens prévus pour sa mise en place :

  • L’élaboration et les outils de mise en œuvre du réseau de transport public du Grand Paris, pour lequel l’organisation d’un débat public a été validée par la CNDP en avril 2010.
  • La création de la Société du Grand Paris, établissement public chargé de concevoir et d’élaborer le schéma d’ensemble et les projets d’infrastructures composant le métro du Grand Paris et d’en assurer la réalisation en tant que maitre d’ouvrage.
  • Le développement territorial et les projets d’aménagement, à partir de Contrats de développement territorial (CDT) pouvant être conclus entre le représentant de l’État dans la région et les communes et les établissements publics de coopération intercommunale ; la région et les départements territorialement concernés peuvent également, à leur demande, être signataires des contrats.
  • Les dispositions relatives à l’établissement public d’aménagement de Paris-Saclay.

Le projet de métro du Grand Paris est en concurrence avec le projet Arc Express, jusqu’à l’accord de janvier 2011 entre l’État et la Région Île-de-France.

Deux débats publics menés en parallèle (30 septembre 2010 – 31 janvier 2011)
En mai 2010, les députés et les sénateurs, répartis en commission paritaire, s’accordent sur le lancement de deux débats publics, un pour le métro du Grand Paris, l’autre pour Arc Express. Ces débats démarrent simultanément le 30 septembre 2010 pour une durée de quatre mois.

Signature du protocole d’accord État-Région sur le projet de métro Grand Paris Express (26 janvier 2011)
Quelques jours avant la clôture des deux débats publics, l’État et la Région se mettent d’accord sur la réalisation d’un projet de métro dénommé Grand Paris Express constitué :

  • du projet de métro du Grand Paris de l’État,
  • de deux arcs de métro, à la charge de la Région, irriguant respectivement la proche banlieue ouest (Hauts-de-Seine) et la proche banlieue est (Seine-Saint-Denis).

Dans cet accord, l’État apporte un certain nombre de garanties, notamment des garanties financières complémentaires pour le Plan de Mobilisation pour les transports de la Région.

Les principales composantes du Grand Paris se précisent au cours du premier semestre 2011.

Extension de l’Atelier International du Grand Paris (AIGP)
L’Atelier International du Grand Paris bénéficie des adhésions successives du Syndicat mixte Paris-Métropole (11 mars 2011), de la ville de Paris (29 mars 2011) et de la région Île-de-France (8 avril 2011), ce qui met les collectivités locales et l’État à parité dans la gouvernance de l’AIGP.

Présentation du schéma d’ensemble du métro Grand Paris Express (mai 2011)
La société du Grand Paris présente le projet de métro arrêté suite aux accords intervenus avec la Région. La ligne 14 ira bien jusqu’à l’aéroport d’Orly mais elle ne sera plus prolongée jusqu’à l’aéroport de Roissy comme prévu initialement ; son terminus nord sera Saint-Denis-Carrefour Pleyel, important nœud d’échanges avec la ligne La Défense-Roissy et les deux arcs proches rajoutés par la Région. Le projet de métro Grand Paris Express comptera 160 km, desservira 72 gares et coûtera 32,4 milliards d’euros (y compris le coût de lignes supplémentaires à la charge de la Région) ; la mise en service du projet s’effectuera par phases successives à partir de 2017 (jusqu’au-delà de 2025).

Lancement des Contrats de développement territorial (décret du 24 juin 2011)
Le décret précise le contenu des Contrats de développement territorial prévus dans la Loi relative au Grand Paris pour permettre au nouveau métro de produire pleinement ses effets sur le développement local. Ce sont des outils de planification et de programmation pour la mise en œuvre des objectifs du Grand Paris, notamment en matière d’urbanisme, de développement économique, de logement. Concentrés en zone dense, les CDT couvrent aussi quelques secteurs de la Grande couronne. Il s’agit d’engagements de principe sur un projet de territoire entre l’État, les communes et les intercommunalités, pour une durée fixée par les partenaires (à défaut quinze ans).

Peu de temps après son élection à la présidence de la République, François Hollande lance le projet de Métropole parisienne.

Le discours de François Hollande à l’Hôtel de ville de Paris (15 mai 2012)
Dans son discours, le président de la République s’engage à « créer les conditions nécessaires à l’émergence d’une métropole parisienne capable d’affronter, à l’échelle pertinente, tous les défis qui se présente à elle, en s’appuyant sur une structure qui existe et qui a fait ses preuves : Paris-Métropole. La nouvelle confédération métropolitaine disposera de pouvoirs réels, notamment en matière de logement, puisque c’est là l’enjeu le plus immédiat et le plus urgent pour les familles ».

Le discours du premier ministre à l’université de Marne-la-Vallée (6 mars 2013)
Jean-Marc Ayrault apporte un certain nombre de précisions concernant l’évolution du Grand Paris :

  • L’État et les collectivités locales, notamment la Région, se sont mis d’accord sur le financement d’un projet de transport régional à mettre en service progressivement jusqu’en 2030. Ce projet, du nom de Nouveau Grand Paris comprend le projet de métro Grand Paris Express et tous les autres projets de transports en commun régionaux faisant l’objet de Contrats de projets Etat-Région, dont des investissements lourds de modernisation des réseaux ferrés,
  • L’espace métropolitain doit se structurer de manière privilégiée autour de grandes intercommunalités qui conforteront la logique des Contrats de développement Territorial. La dynamique des territoires (périmètres géographiquement continus regroupant au moins 300 000 habitants) de l’île de France doit être soutenue par une nouvelle gouvernance et, sur la base de la nouvelle carte intercommunale, sera créé l’établissement public de la Métropole parisienne le 1er janvier 2016.

La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (27 janvier 2014)
Le projet de loi vise en premier lieu à clarifier les responsabilités des collectivités territoriales et de l’État. En second lieu, il entend conforter les dynamiques urbaines en affirmant le rôle de trois métropoles (la Métropole de Paris, la Métropole de Lyon et la Métropole d’Aix-en-Provence). Le texte comprend également diverses mesures concernant ces métropoles et précise que leurs compétences porteront sur l’aménagement de l’espace métropolitain, la politique locale de l’habitat, le développement et l’aménagement économique, social et culturel, la protection et la mise en valeur de l’environnement, la politique du cadre de vie. Les dispositions spécifiques à l’île de France précisent que sera créé, le 1er janvier 2016, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à statut particulier dénommé la « Métropole du Grand Paris ».

Le décret relatif à la mission de préfiguration de la Métropole du Grand Paris (19 mai 2014)
Le décret précise les règles d’organisation et de fonctionnement de la mission de préfiguration chargée de préparer les conditions juridiques et budgétaires de la création, au 1er janvier 2016, de l’Établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de la métropole du Grand Paris. Pour son fonctionnement, la mission s’appuie sur un Groupement d’intérêt public (GIP) constitué à part entière entre l’État et le Syndicat mixte Paris-Métropole. Le GIP est présidé alternativement par le préfet de la région île de France et par le président du Syndicat mixte Paris-Métropole, lesquels sont assistés d’un directeur qui assure la coordination et la direction de la mission. La mission comprend également deux conseils :

  • Un conseil d’élus qui oriente les travaux de préparation des rapports et émet un avis sur ces rapports (les maires et les présidents des EPCI de la première couronne, le maire de Paris, les maires des communes des autres départements en continuité de la Première couronne ou appartenant à un EPCI comprenant au moins une commune de la première couronne, les présidents des Conseils généraux, le président du Conseil régional, deux députés et deux sénateurs,
  • Un conseil de partenaires socio-économiques qui émet des avis et donne des orientations pour le diagnostic général.

Le Grand Paris se décline désormais en trois chantiers principaux : les transports, l’aménagement et la gouvernance.

Les transports
Le projet de transport du Nouveau Grand Paris concerne l’ensemble de la Région d’Île-de-France car il se compose :

  • Du projet de métro Grand Paris Express.
  • Des autres projets de transports en commun franciliens, y compris des projets de modernisation des réseaux ferrés et d’amélioration des services offerts.

L’aménagement
Les Contrats d’aménagement territorial passés entre les communes ou les intercommunalités et l’État encadrent le développement territorial du Grand Paris. Parmi les projets, l’État accorde une forte priorité à la construction de logements (nécessité de construire 70 000 logements par an dans la région) et au développement économique (le Grand Paris pourrait générer 800 000 emplois pérennes à l’horizon 2030) sur l’ensemble du territoire francilien.

Pour cela, l’État :

  • S’engage à travers le Plan de mobilisation pour l’aménagement et le logement à la relance de la construction et à la rénovation de l’habitat des Franciliens (soutien aux collectivités qui construisent, création d’une Opération d’intérêt national (OIN) multi-sites, transformation de l’Agence foncière et technique de la Région Île-de-France en Grand Paris Aménagement).
  • Prévoit de mieux utiliser les sept pôles de compétitivité existants, d’apporter son appui aux nombreux grands projets, publics ou privés, déjà engagés, de créer un système de gouvernance économique cohérent permettant le développement d’une marque « Grand Paris » facilement identifiable par les acteurs économiques.

La gouvernance
La Métropole du Grand Paris réunira les communes de la zone dense dès le premier janvier 2016. Cet Établissement public de coopération intercommunale ne doit pas créer d’échelon supplémentaire, ce qui impliquera la suppression des Conseils généraux dans la Métropole. Sur le reste du territoire francilien, une large concertation est engagée pour mettre en place une nouvelle organisation intercommunale avec des regroupements d’au moins 200 000 habitants.

Danièle Navarre

Carte des transport du Grand Paris

Un non évènement urbanistique

Le projet des tours Duo de Jean Nouvel pour le quartier Masséna-Bruneseau

Le projet de Jean Nouvel à Masséna-Bruneseau : les tours Duo

Des tours jumelles déhanchées, juchées sur un énorme socle de béton enterré sur neuf étages. Le tout fiché dans un invraisemblable nœud d’infrastructures aux portes de Paris, ça ressemble fort… à un non évènement urbanistique. Il fallait trouver preneur de ce site ingrat, en cherchant du côté de la logistique plutôt que du côté du tertiaire de prestige. Pourtant la Semapa a réussi son coup en vendant ce terrain enclavé à des promoteurs, y compris la Caisse des Dépôts du Québec, dont on se demande ce qu’elle vient faire là. Peu importe.

On comprend vite que l’utilité publique doit être recherchée dans la localisation de 6 000 emplois, qui partiront peut-être demain vers d’autres tours, ou dans la « nature » au gré des courants de nomadisme du tertiaire. L’hôtel ne désemplira pas et, pour le reste, la prise de risque financier est privée, ou considérée comme telle, donc il n’y a pas de quoi s’émouvoir.

Pour peu qu’on puisse en juger correctement sur maquette numérique, le niveau zéro du socle des tours ne produit aucun service public et une urbanité limitée à ces fameux espaces privés ouverts au public, pas toujours ouverts. Ce seront de toute façon des zones d’inconfort climatique comme il en existe toujours en pied de tour. À juste titre, les services de l’État déplorent l’absence d’étude aéraulique, mais à quoi bon étudier ce qu’on ne souhaite pas traiter ?

Un nœud d’interconnexion des transports publics justifie selon les promoteurs la concentration d’emplois sur ce site, déconnecté du tissu urbain environnant. On peut y croire mais il vaut mieux voir ça de près. Résumons : aux heures de pointe un tramway presque saturé, des lignes de métro éloignées, une ligne 10 prolongée peut-être en 2030, une ligne de bus T-zen aux capacités limitées. On sait aussi que les transports collectifs parisiens, ne peuvent déjà plus, malgré de constantes modernisations, absorber le trafic des heures de pointe. Et les tours Duo ne sont qu’un début.

L’étude d’impact est un modèle du genre, à la fois parce qu’elle est plutôt bien faite et parce qu’elle obéit à la loi du genre « pavé ». Même si le résumé, très dense, tente de synthétiser les informations pour le grand public, il faudra bien se décider un jour à formuler plus simplement les diagnostics écologiques. Et revenir aux maquettes physiques…

De très gros efforts sont faits pour construire plus écologique : labellisation HQE, recyclage partiel des eaux pluviales, énergies renouvelables, réglementation thermique 2012 (RT2012), verdissement de terrasses, il faut reconnaitre un effort qui va au-delà du green-washing habituel. Même si pour être juste, il faudrait intégrer l’énergie grise nécessaire à la construction de ces mégastructures acier/béton/verre et mettre au bilan global leur improbable durabilité¹.

Le volet paysage de cette étude n’est pas un cadeau… Le paysagiste s’en tire plutôt bien en proposant de multiples points de vue permettant de se faire une idée de l’impact des nouvelles venues sur le paysage urbain. Ce qui fonctionne plutôt bien à grande échelle, du point de vue de l’architecte et du promoteur qui recherchent une visibilité maximale.

Mais dans le contexte de la Zac et plus largement celui du 13e, cette brutale rupture d’échelle ne fait pas sens. Ces tours apporteront leur modernité dans un contexte urbain déjà très marqué par les constructions hautes, mais qu’apportera leur démesure ? La skyline du 13e, incluant la BnF, existe déjà. Elle marque le paysage parisien et les habitants se l’approprient comme patrimoine lié à l’histoire locale. À une échelle plus humaine ?

Ce projet se veut singulier, il est dans toutes ses composantes surdimensionné : un coup de gomme dans le programme et un trait de crayon plus ajusté feraient du bien à tout le monde. Y compris peut-être au promoteur.

Enfin, pour penser plus large, revenons à la fonction de signal que jouent les tours — on dit en langage savant les émergences — dans le paysage parisien et même francilien. Mais là le problème est : quel signal ?
Car si Paris s’entoure de tours, tantôt raides, tantôt déhanchées, tantôt triangulaires, quel message la capitale va-t-elle délivrer à la banlieue ? Cette banlieue qui sera demain l’extension naturelle du Grand Paris.

Au fait, qu’en pensent les Ivryens ?

Emmanuel Leguy


  1. 2014 a été l’année d’un évènement : la destruction à grands frais d’un IGH dans le secteur du Front de Seine.