L’œuvre de Le Corbusier inscrite au patimoine mondial de l’Unesco

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17 oeuvres de Le Corbusier, réparties dans 7 pays, témoignant d’un nouveau langage architectural ont été inscrites par l’Unesco au patrimoine mondial. Ils témoignent  d’une « recherche patiente » menée sur un demi-siècle.

Ces œuvres sont, dans l’ordre chronologique :

  • les maisons La Roche et Jeanneret (1923) à Paris,
  • une villa au bord du lac Léman (1923) à Corseaux (Suisse),
  • la Cité Frugès (1924) à Pessac (Gironde),
  • la maison Guiette (1926) à Anvers ,
  • les maisons de la Weissenhof-Siedlung (1927) à Stuttgart
  • la villa Savoye et la loge du jardinier (1928) à Poissy,
  • l’immeuble Clarté (1930) à Genève,
  • l’immeuble locatif de la porte Molitor (1931) à Boulogne-Billancourt ,
  • l’Unité d’habitation (1945) « cité radieuse », Marseille,
  • la Manufacture (1946) à Saint-Dié-des-Vosges ,
  • la maison du docteur Curutchet (1949) à La Plata (Argentine),
  • la chapelle Notre-Dame-du-Haut (1950) à Ronchamp
  • le Cabanon de Le Corbusier (1951) à Roquebrune-Cap-Martin
  • le complexe du Capitole (1952) à Chandigarh
  • le couvent Sainte-Marie-de-la-Tourette (1953) à Eveux (Rhône),
  • le Musée national des beaux-arts de l’Occident (1955) à Taito-Ku (Japon)
  • et la Maison de la culture (1953) à Firminy.

À noter que les œuvres du patrimoine du 13e n’y sont pas représentées

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La Cité de refuge de l’Armée du salut : une histoire mouvementée

Immeuble Armée du Salut 2007 07Petit rappel à l’occasion de l’inauguration par le Président Hollande, le 23 juin 2016, de la Cité de refuge restaurée :

En 1933, en pleine crise économique et sociale, la Cité de refuge s’est implantée dans le 13e arrondissement, alors industriel et pauvre. Après le Palais du peuple (1926) et  l’asile flottant Louise-Catherine (1929), c’est le troisième et le plus important volet de la collaboration entre trois personnalités qui partagent les mêmes valeurs humanistes :

  • Albin et Blanche Peyron, commandeurs territoriaux de l’Armée du salut, sont à l’origine du projet social destiné à l’accueil des personnes en détresse, sans adresse, sans travail, qui ont besoin de retrouver leur dignité et de reprendre leur place dans la société.
  • Winaretta Singer, princesse de Polignac, soutient les artistes, finance le logement social (HBM de la rue de la Colonie) et les initiatives philanthropiques. Sensible  aux courants avant-gardistes de l’architecture, elle est mécène et marraine de ce projet (elle donne 3 millions de francs sur les 8 millions).
  • Le Corbusier et Pierre Jeanneret, qui appartiennent au mouvement architectural moderne voient en ce projet un moyen de mener une réflexion sur la dimension sociale de l’architecture et de l’urbanisme et d’appliquer les principes scientifiques et la technologie qui peuvent améliorer la qualité du bâtiment et le bien-être des résidents. C’est un des premiers projets d’envergure qu’ils réalisent et la première illustration du concept de cité-jardin verticale ou d’unité d’habitation incluant des espaces d’habitation, de travail, de loisir et d’éducation. L’abattement de 40% consenti sur leurs honoraires n’empêche pas un important dépassement financier.

Le terrain choisi est très difficile à aménager : dénivelé important entre la rue Cantagrel et la rue du Chevaleret, forme complexe de la parcelle, réglementation qui limite les hauteurs. Les architectes tirent parti  de la topographie des lieux, ce qui  relève de la prouesse technique : un accès dans chaque rue est prévu, le dénivelé est pallié par l’utilisation de pilotis et la création d’une rue intérieure au niveau bas. Le Corbusier voulait d’ailleurs faire de cet exercice d’adaptation d’un édifice à un programme et à un terrain un modèle destiné à structurer le tissu urbain environnant, accidenté donc difficile à aménager.

Deux ailes, une pour les hommes et l’autre pour les femmes, sont séparées au centre par les circulations verticales. Le bâtiment de 11 niveaux, évoquant l’architecture d’un paquebot, est en ciment armé, avec des planchers et poteaux en béton. La principale innovation est le mur de verre de 1 000 m²  hermétique, placé au sud devant les dortoirs de cinq étages. Il doit laisser pénétrer au maximum la lumière naturelle et réduire les déperditions de chaleur des ouvertures, créant un univers complètement clos, dit  « à respiration exacte » pour désigner l’air conditionné rendu ici indispensable. Le verre utilisé va du transparent au translucide, selon les points de vue. Le dégradé des vitrages en façade permet de lire les différentes fonctions des lieux. Rapidement, le mur rideau s’est révélé impraticable : la climatisation installée n’a pas fonctionné comme prévu, l’air circulait mal et devenait étouffant en été. En 1935, pour aérer, Le Corbusier a été contraint de renoncer au concept de mur hermétique et de percer des  ouvertures coulissantes destinées à l’aération..

Cette « usine du bien » est une véritable cité réunissant, au-delà de l’hébergement de 500 à 600 personnes, les différentes fonctions donnant aux résidents les moyens de se reconstruire : dortoirs, chambres pour mères célibataires, espaces de préparation et distribution des repas, ateliers de travail, lieux de formation et de culte, clubs pour hommes et pour femmes, une crèche, bureaux pour le personnel, sanitaires. Les services sont multiples : dispensaire, vestiaire du pauvre, soupe populaire. Les innovations techniques de l’époque améliorent l’hygiène et le bien-être physique, jugés prioritaires : système très moderne de chauffage et d’évacuation des extractions de cuisine, sols en pente faciles à lessiver, matériaux modernes (carreaux de céramique blanche, verre, acier, brique de verre Nevada). Les architectes veulent donner une image du rôle de la production industrielle. L’équipement est également moderne : ascenseurs, monte-charge, machines à café, chambres froides.

Au cours du XXe siècle plusieurs modifications interviennent :

– En 1948, Le Corbusier assure la restauration du bâtiment fortement dégradé pendant la guerre. Il remplace le pan de verre, soufflé par une bombe en 1944, par des brise-soleils en béton, comme à Marseille et Chandigarh. Des menuiseries en bois sont posées sur une allège qui n’est plus transparente mais maçonnée. Les chambres, devenues moins lumineuses, sont plus intimes et moins chaudes l’été. La façade est ensuite repeinte avec des couleurs rappelant le drapeau de l’Armée du salut : bleu outremer, ocre, rouge.

– En 1975, une nouvelle restauration, sous la direction de P Verrey, reprend la configuration de 1933, sauf pour les allèges On  installe un ouvrant dans la partie médiane des menuiseries en bois de 1952. La façade est repeinte dans les couleurs antérieures. La même année, la Cité de refuge est inscrite au titre des Monuments Historiques.

– En 1978, le Centre Espoir, centre d’hébergement et d’insertion sociale, est bâti par G Candilis et P Verrey sur un terrain voisin. Les niveaux 2 et 3 des deux établissements sont reliés. Dans la Cité de refuge, les anciens dortoirs sont redécoupés en chambres de 8 à 10 personnes.

– En 1988, l’immeuble de la Cité de refuge vétuste, non fonctionnel et ne répondant plus aux normes de sécurité, nécessite des travaux. Il faut, en priorité, remplacer les châssis de bois et refaire l’étanchéité des terrasses. Ces travaux dénaturent les caractéristiques originales du bâtiment en ce qui concerne les menuiseries, les garde-corps des balcons et des terrasses. Les couleurs sont modifiées.

Une restauration collaborative, décidée en 2007, aboutit à la réhabilitation du Centre Espoir (2014) et à la rénovation-restauration du centre de refuge (20015).