Communiqué de presse du conseil d’administration de l’association gestionnaire de la dalle des Olympiades, ASL Olympiades, Paris XIIIᵉ

Petite ville de 10 000 habitants et de 3000 logements, équitablement répartis entre le parc privé et le parc social, la dalle des Olympiades est une copropriété privée, contrairement aux dalles publiques du Front de Seine et de La Défense. Espace, privé en droit, elle n’en est pas moins un espace public de fait, comme l’illustre l’intense animation qui y règne. Et plus encore, depuis l’ouverture de la Web School Factory, accueillant sur la dalle 2500 étudiants formés au numérique, à quelques encablures de l’incubateur de start-up de Xavier Niel et du quartier Paris Rive gauche. La présence d’équipements publics, de supermarchés et de restaurants, de même que la vitalité du commerce asiatique, participent à la fréquentation intense de la dalle, qui a d’ailleurs le statut de « voie privée ouverte à la circulation publique ».

Les membres du conseil d’administration de l’ASL Olympiades, association gestionnaire du site, plaident en faveur d’une vision de l’avenir du quartier, partagée avec la Ville. C’est le sens du message qu’ils ont dernièrement adressé à la Maire de Paris, à son adjoint à l’urbanisme, au maire d’arrondissement et à tous les élus du XIIIe. Lors du conseil d’arrondissement du 15 Juin, les élus du XIIIe ont repris à leur compte l’une des propositions formulées, à savoir la réalisation d’un audit financier, visant à évaluer le montant des dépenses occasionnées par l’ouverture au public de la dalle. Le vœu d’engager cet audit a été voté à l’unanimité, majorité et opposition confondues. Au-delà de ce soutien décisif et du consensus politique, le danger d’un vœu pieux ne saurait cependant être écarté, la mairie centrale étant, seule, décisionnaire. Reste donc à transformer l’essai lors du conseil de Paris des 29 et 30 Juin, où doit être voté le montant de la subvention allouée pour 2015. La réalisation de cet audit confié à un tiers s’impose, puisque l’ASL Olympiades conteste l’estimation des dépenses publiques de fonctionnement faite par les services de la Ville et l’occultation des dépenses d’investissement. A défaut de se voir étroitement associée à la conduite de l’audit et au choix de l’expert désigné, gage d’indépendance, elle pourrait se trouver contrainte de mener une contre-expertise sous la pression des habitants. Qu’ils soient propriétaires ou locataires du parc privé et du parc de logement social, tous paient en effet deux fois l’impôt, en s’acquittant d’une part, des charges d’entretien de la dalle et d’autre part, des taxes et impôts locaux.

Pour que « la municipalisation de fait », promue par le maire du XIIIe, devienne une réalité, il faudrait que la Ville subventionne l’intégralité des dépenses occasionnées par l’ouverture au public de la dalle. Or la subvention allouée, d’un montant de 472 000 euros en 2014, n’en couvre que le tiers ! En 2007, elle a même été amputée de 220 000 euros, la Ville ne participant plus aux dépenses de sécurité du site en raison de la création d’un dispositif de « correspondants de nuits ». Est-il concevable que la puissance publique, en l’occurrence l’État secondé par la Ville, se défausse de ses prérogatives en matière de sécurité sur les habitants ? Confiée à une société privée, la surveillance du site absorbe à elle seule la quasi-totalité du montant de la subvention municipale ! Aux charges s’ajoute le coût des travaux de maintenance, liés au vieillissement de l’infrastructure de la dalle, après plus de quarante ans d’existence. Ainsi, la réfection des quatorze kilomètres de canalisation en sous-sol se voit elle aussi laissée à la charge des propriétaires de la dalle, malgré le caractère en grande partie public des travaux. La requalification de tout l’espace public de la dalle serait également à envisager, à l’instar des travaux d’envergure menés au Front de Seine. Seule la Ville de Paris, aux côtés de l’État et de la Région, peut porter pareille ambition urbaine. L’excellente desserte des Olympiades par les transports en commun, l’environnement très porteur du quartier et le potentiel constructif du site ne devraient-ils pas l’inciter à miser sur ce quartier d’avenir à l’échelle du Grand Paris ?

Un non évènement urbanistique

Le projet des tours Duo de Jean Nouvel pour le quartier Masséna-Bruneseau

Le projet de Jean Nouvel à Masséna-Bruneseau : les tours Duo

Des tours jumelles déhanchées, juchées sur un énorme socle de béton enterré sur neuf étages. Le tout fiché dans un invraisemblable nœud d’infrastructures aux portes de Paris, ça ressemble fort… à un non évènement urbanistique. Il fallait trouver preneur de ce site ingrat, en cherchant du côté de la logistique plutôt que du côté du tertiaire de prestige. Pourtant la Semapa a réussi son coup en vendant ce terrain enclavé à des promoteurs, y compris la Caisse des Dépôts du Québec, dont on se demande ce qu’elle vient faire là. Peu importe.

On comprend vite que l’utilité publique doit être recherchée dans la localisation de 6 000 emplois, qui partiront peut-être demain vers d’autres tours, ou dans la « nature » au gré des courants de nomadisme du tertiaire. L’hôtel ne désemplira pas et, pour le reste, la prise de risque financier est privée, ou considérée comme telle, donc il n’y a pas de quoi s’émouvoir.

Pour peu qu’on puisse en juger correctement sur maquette numérique, le niveau zéro du socle des tours ne produit aucun service public et une urbanité limitée à ces fameux espaces privés ouverts au public, pas toujours ouverts. Ce seront de toute façon des zones d’inconfort climatique comme il en existe toujours en pied de tour. À juste titre, les services de l’État déplorent l’absence d’étude aéraulique, mais à quoi bon étudier ce qu’on ne souhaite pas traiter ?

Un nœud d’interconnexion des transports publics justifie selon les promoteurs la concentration d’emplois sur ce site, déconnecté du tissu urbain environnant. On peut y croire mais il vaut mieux voir ça de près. Résumons : aux heures de pointe un tramway presque saturé, des lignes de métro éloignées, une ligne 10 prolongée peut-être en 2030, une ligne de bus T-zen aux capacités limitées. On sait aussi que les transports collectifs parisiens, ne peuvent déjà plus, malgré de constantes modernisations, absorber le trafic des heures de pointe. Et les tours Duo ne sont qu’un début.

L’étude d’impact est un modèle du genre, à la fois parce qu’elle est plutôt bien faite et parce qu’elle obéit à la loi du genre « pavé ». Même si le résumé, très dense, tente de synthétiser les informations pour le grand public, il faudra bien se décider un jour à formuler plus simplement les diagnostics écologiques. Et revenir aux maquettes physiques…

De très gros efforts sont faits pour construire plus écologique : labellisation HQE, recyclage partiel des eaux pluviales, énergies renouvelables, réglementation thermique 2012 (RT2012), verdissement de terrasses, il faut reconnaitre un effort qui va au-delà du green-washing habituel. Même si pour être juste, il faudrait intégrer l’énergie grise nécessaire à la construction de ces mégastructures acier/béton/verre et mettre au bilan global leur improbable durabilité¹.

Le volet paysage de cette étude n’est pas un cadeau… Le paysagiste s’en tire plutôt bien en proposant de multiples points de vue permettant de se faire une idée de l’impact des nouvelles venues sur le paysage urbain. Ce qui fonctionne plutôt bien à grande échelle, du point de vue de l’architecte et du promoteur qui recherchent une visibilité maximale.

Mais dans le contexte de la Zac et plus largement celui du 13e, cette brutale rupture d’échelle ne fait pas sens. Ces tours apporteront leur modernité dans un contexte urbain déjà très marqué par les constructions hautes, mais qu’apportera leur démesure ? La skyline du 13e, incluant la BnF, existe déjà. Elle marque le paysage parisien et les habitants se l’approprient comme patrimoine lié à l’histoire locale. À une échelle plus humaine ?

Ce projet se veut singulier, il est dans toutes ses composantes surdimensionné : un coup de gomme dans le programme et un trait de crayon plus ajusté feraient du bien à tout le monde. Y compris peut-être au promoteur.

Enfin, pour penser plus large, revenons à la fonction de signal que jouent les tours — on dit en langage savant les émergences — dans le paysage parisien et même francilien. Mais là le problème est : quel signal ?
Car si Paris s’entoure de tours, tantôt raides, tantôt déhanchées, tantôt triangulaires, quel message la capitale va-t-elle délivrer à la banlieue ? Cette banlieue qui sera demain l’extension naturelle du Grand Paris.

Au fait, qu’en pensent les Ivryens ?

Emmanuel Leguy


  1. 2014 a été l’année d’un évènement : la destruction à grands frais d’un IGH dans le secteur du Front de Seine.

Les grandes opérations d’urbanisme depuis 50 ans

Panneau d’exposition | Les grandes opérations d’urbanisme depuis 50 ans


Le panneau d’exposition Les grandes opérations d’urbanisme depuis 50 ans est disponible au téléchargement au format PDF.


Au sommaire de l’exposition “Une histoire parisienne de la démocratie participative…


Les informations et visuels présents dans cette page peuvent faire l’objet de restrictions de reproduction ou de diffusion en dehors du cadre strict de leur publication sur le blog d’Ada 13. Pour plus d’information, nous vous remercions de prendre contact avec le webmestre par courrier électronique.

Les 40 ans des Olympiades retracés sur France Culture

France Culture a diffusé le 9 juillet 2013, dans l’émission d’Emmanuel Laurentin, « La Fabrique de l’Histoire », un documentaire de Séverine Liatard et Séverine Cassar, intitulé Les Olympiades, un village dans la ville.

Cette émission a été réalisée à l’occasion des 40 ans des Olympiades, ensemble immobilier inclus dans le programme de rénovation du secteur Italie qui prévoyait à l’origine de construire 55 tours d’une centaine de mètres, entre Place d’Italie et Porte d’Italie, à l’emplacement de friches industrielles ou en rasant des îlots d’habitat insalubre. Il n’y aura finalement qu’une trentaine de tours, dont huit aux Olympiades, édifiées entre 1970 et 1976 sur une dalle surplombant l’ancienne gare des Gobelins qui a été reconstruite à cette occasion. Michel Holley était l’architecte en chef chargé de réaménager les terrains ferroviaires déclassés, qui a mis en pratique ses théories urbanistiques : regroupement des tours en bouquets différenciés à l’intérieur de chaque îlot, dessin des panneaux de façade, séparation des fonctions par niveaux. L’opération Olympiades relève de l’initiative de promoteurs et d’investisseurs privés. L’obligation qui leur est faite de reloger sur place les anciens habitants explique la parité entre logement public et privé et donc la réelle mixité sociale qui subsiste encore aujourd’hui. Jusqu’à l’arrêt de l’urbanisme vertical décidé en 1974 par  Giscard d’Estaing, les problèmes liés à ce type de rénovation ont été vivement critiqués, notamment par Ada 13 : appétit des banques et des promoteurs, non-relogement des anciens habitants, retard dans la livraison des équipements.

Actuellement l’entretien de la dalle pose problème. La Ville de Paris a financé des travaux de mise aux normes pour la circulation des personnes à mobilité réduite. Pour pallier au vieillissement de la dalle et pour améliorer la performance énergétique, d’autres travaux sont cependant à prévoir. Ils seront à la charge des copropriétaires : il s’agit d’un espace public de fait mais son statut juridique est celui d’un espace privé de droit. À l’extérieur l’image des Olympiades est plutôt négative, mais les habitants sont souvent attachés à leur dalle qui a des atouts : elle est désormais au cœur d’un important pôle d’activité, bien relayé par le réseau de transports, et il attire une nombreuse population. L’exposition de 2013 au Pavillon de l’Arsenal a contribué à réhabiliter cet ensemble qui occupe une place importante dans le quartier et l’arrondissement (3 000 logements).

Au cours de l’émission, l’histoire des lieux a été retracée grâce aux témoignages de Michel Holley, l’architecte en chef des Olympiades et de son adjoint André Martinat, de Françoise Moiroux, historienne de la ville, spécialiste de l’architecture du XXe siècle, commissaire scientifique de l’exposition sur les Olympiades au Pavillon de l’Arsenal.

Des habitants de la première heure qui aiment leur dalle se sont aussi exprimés. Parmi eux, Alain Joubaire, adhérent d’Ada 13, qui travaille depuis de longues années à la sauvegarde et à la mise en valeur de ce site.


Survie des Olympiades :
la mobilisation des habitants

Plan d’aménagement de la Dalle des Olympiades (2012)

Plan d’aménagement de la Dalle des Olympiades
Sources : lettre d’information Ensemble améliorons les Olympiades, nº 7, juillet 2012.

Les élections municipales ont été pour les habitants une occasion d’alerter les pouvoirs publics et l’opinion sur leurs problèmes spécifiques. La dalle est de statut privé mais elle est de fait un espace public. Les propriétaires en paient doublement l’entretien (taxes locales, charges). Le budget annuel est de 7,5 millions d’euros, soit 1,5 million pour l’investissement et 6 millions pour le fonctionnement. Le taux de participation par catégorie a été fixé dès l’origine par l’Association syndicale libre (ASL), gestionnaire de la dalle : 44 % pour les logements sociaux (Paris-Habitat), 36 % pour les propriétaires privés et 20 % pour les bureaux, commerces et équipements. Les copropriétaires des cinq tours de logements privés assurent la charge du surcoût induit par la réglementation sur les immeubles de grande hauteur (25 % du total).

Alors que les salaires stagnent, le montant des charges a augmenté d’environ 20 % en cinq ans. Le coût annuel représente entre 60 et 70 euros par m². En même temps, à Paris, les charges foncières et les taxes d’habitation ont explosé.

La Ville verse une subvention depuis 1977, date à la quelle la dalle et les rues souterraines ont été classées « voies privées ouvertes à la circulation publique ». Dans la première mandature de B. Delanoë plusieurs revalorisations notables sont intervenues, notamment au titre des dépenses de surveillance. En 2007, par contre, le montant en a été baissé en lien avec la mise en place d’un dispositif de correspondants de nuit : elle est passée de 681.000 euros en 2006 à 460.000 euros en 2007 (467.000 euros en 2013). Cette dotation est jugée insuffisante au regard du coût toujours plus élevé des charges communes de gestion et d’entretien (16,5 %) et des charges relevant du domaine public (32,5 %).

Le vieillissement de la dalle nécessite de grands travaux évalués à 20 millions d’euros au début des années 2000 : réfection des canalisations, remplacement d’équipements techniques, réfection de l’étanchéité des sols. Les copropriétaires doivent en assurer seuls le financement. Il faut y ajouter le désamiantage (1,2 millions d’euros pour les immeubles concernés). En plus de ces travaux de réfection, des travaux « d’amélioration du site » ont été jugés nécessaires : démolition-reconstruction de la crèche et de l’école maternelle, reconversion du stadium en gymnase municipal, rénovation des équipements publics. La Ville de Paris a financé intégralement cette rénovation indispensable. Par contre la Ville ne prend en charge que 90 % des frais du réaménagement des accès, entrepris pour la mise aux normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite : les 10 % restants (1,2 million d’euros) sont à la charge des copropriétaires. Notons qu’ils auront à payer l’intégralité des travaux de l’accès Baudricourt (55.000 euros) qui ne peut être mis aux normes alors que, de fait, cette rampe se révèle utile en cas (fréquent) de pannes d’ascenseur ou d’escalator.

Il importe de remédier rapidement à ces difficultés financières qui risquent d’entrainer une insolvabilité généralisée des copropriétaires et la dégradation des Olympiades. Déjà la baisse du prix du foncier répercute une désaffection grandissante. Il serait dommage de laisser à l’abandon un espace où habitent 10.000 habitants et où existe une véritable mixité sociale ; il faut retrouver une dynamique de quartier et préserver la qualité de la vie sur la dalle qui est un lieu très animé et très fréquenté, surtout depuis la création des nouvelles stations de la ligne 14 et du tramway. Par contre, l’attractivité exercée par le commerce asiatique joue un rôle moindre depuis l‘interdiction d’ouverture des boutiques le dimanche après-midi, et cela juste après que les manifestations organisées en 2013 pour les quarante ans, et notamment l’exposition du Pavillon de l’Arsenal, aient fait redécouvrir l’architecture de Michel Holley.

Une municipalisation de la dalle pourrait être une solution. Elle a été envisagée en 2001 par la nouvelle municipalité, et exigée en 2005 par les habitants qui souhaitaient « la prise en charge par la Ville des charges communes d’entretien ».
Le rejet de cette demande a été justifié par une étude juridique concluant à l’impossibilité de municipaliser les Olympiades qui sont de caractère privé. Le débat est actuellement relancé. Une association locale, le Groupement de défense des intérêts des copropriétaires et des locataires des Olympiades ou GDI réactive l’action en ce sens. Elle a interpellé les candidats aux municipales, en demandant en plus de la municipalisation l’adoption de mesures contre la montée des charges et taxes, contre l’insécurité et l’insalubrité des lieux. Elle souhaite aussi un bilan de la gouvernance des Olympiades et réclame plus de transparence dans la gestion et une participation plus directe des habitants aux choix budgétaires.

Le collectif Dalle des Olympiades ne voudrait pas que la réouverture du débat sur la municipalisation serve d’alibi pour occulter la faible participation financière de la puissance publique. Dans une Lettre ouverte aux candidats, il demande le triplement de la subvention pour couvrir l’intégralité des dépenses communes d’entretien de la dalle, le financement des travaux liés à la fonction d’espace public de la dalle, la prise en charge des dépenses de sécurité de la dalle qui sont assurées aujourd’hui par les copropriétaires privés. Comme le GDI, le collectif souhaite que les propriétaires des tours soient mieux représentés à l’ASLO, mieux informés et puissent intervenir davantage sur les décisions de l’association gestionnaire, en particulier celles qui pèsent directement sur leurs finances. Pour éviter que la dalle ne devienne une friche commerciale, demande est faite de revenir sur le retrait du label de zone touristique du « quartier chinois » qui a entrainé une forte chute de leur chiffre d’affaires. Enfin le collectif, déplorant l’insuffisance du projet actuel de rénovation de la dalle qui ne permet pas de requalifier l’espace public, souhaite un projet urbain plus vaste permettant de tirer parti du potentiel d’attractivité de la dalle et d’accroître son rayonnement.


  1. Le blog de l’association Groupement de défense des intérêts des copropriétaires et des locataires des Olympiades
  2. La page Facebook du collectif Dalles des Olympiades
  3. Marc Ambroise-Rendu. Les Olympiades : une utopie inachevée et sous perfusion. La Lettre de l’Ada 13. P. 2-3. Numéro 15. Juillet 2013

Les Olympiades après l’exposition et les « 40 ans »

Les Olympiades, le plaisir des hauteurs

Le plaisir des hauteurs

Après l’exposition :

L’exposition au Pavillon de l’Arsenal Les Olympiades, Paris 13e. Une modernité contemporaine a connu en grand succès. L’image des Olympiades dans le public et les médias a été transfigurée, comme par magie !

Bravo à la brillante équipe de conception et réalisation, notamment Françoise Moiroux, Aurélien Gillier, Vincent Fillon, et bien entendu Anne Hidalgo, présidente et Alexandre Labasse, directeur général du Pavillon de l’Arsenal.
Quel chemin parcouru depuis octobre 2005 où dans ce même Pavillon de l’Arsenal se tenait l’exposition Aménager Paris conçue par Éric Lapierre. On y présentait le GPRU des Olympiades. L’objectif affiché à cette époque était de « corriger les erreurs du passé ».

J’étais présent le samedi 20 avril¹ à l’ESJ pour la présentation de deux documentaires d’Isabelle Bonté², suivie d’une discussion sur les Olympiades. Selon le sentiment général, l’objectif n’est plus de « corriger les erreurs du passé » mais de « valoriser un patrimoine architectural enfin reconnu ».
Les habitants, le conseil de quartier, les associations Envol³ et Ada 13 ont exprimé un légitime besoin de concertation à la mesure des circonstances nouvelles.
Personne ne pourrait comprendre qu’on ne respecte pas ce qui mérite d’être préservé, même s’il faut « donner du temps au temps ».
En revanche il n’y a pas de temps à perdre pour « corriger les erreurs du présent » commises par la Semapa faute d’avoir retenu l’avis des habitants et des associations (cf. destruction de la rampe de l’accès « Ivry » et création désastreuse du « tunnel »).

Ada 13 avait raison

L’architecte Michel Holley4 a été précurseur en matière d’accessibilité pour tous. Il a construit les Olympiades au début des années 70 (études à partir de 1968) avec un jeu de rampes en béton permettant tous les parcours mais avec des pentes pas encore limitées à 5 % (la première réglementation est postérieure). Les rampes ne tombent jamais en panne, les ascenseurs ne sont pas aussi fiables. Dans le cas de l’accès Ivry, la rampe ayant été détruite, l’accessibilité est défaillante parfois pendant plusieurs jours. Sans aucun doute, les ascenseurs étaient une nécessité mais fallait-il démolir les rampes ?

L’Ada 13, reconnue pour son expérience en aménagement urbain, a inscrit l’observation suivante au registre de l’enquête sur le PLU (Projet d’aménagement Olympiades-Choisy)5, 6 :
le projet de PLU prévoit d’aménager les accès en faveur des personnes à mobilité réduite.

Nous sommes évidemment d’accord avec cette proposition.
Nous demandons que soit également prise en compte la circulation des landaus, poussettes, caddies personnels, vélos d’enfants et les rampes nous semblent des voies d’accès complémentaires et nécessaires.

Nombreux sont les habitants qui se sont exprimés dans le même sens au cours des réunions et des consultations officielles (enquêtes DUP et PLU).
L’accès Ivry et son ascenseur sont propriété de la Ville de Paris (par expropriation « Stadium élargi ») malgré tous les efforts de M. Jérôme Coumet, maire du treizième, le problème de la fiabilité de l’ascenseur n’a pas trouvé de solution satisfaisante.
On ne va pas reconstruire la rampe. Le service dû aux PMR (personne à mobilité réduite) n’est pas assuré.
Est-ce acceptable ?
L’Association des paralysés de France (APF)7 17 boulevard Auguste-Blanqui, Paris 13, a été consultée, elle remettra prochainement son positionnement et ses solutions.

Les autres accès :

  • S’agissant de l’accès Nationale, une rampe à 5 % a été réalisée pour se rendre aux nouvelles crèches (en complément de l’ascenseur et des escaliers).
  • S’agissant de l’accès Tolbiac, en complément à l’ascenseur, la rampe d’origine de l’accès Baudricourt proche est encore disponible (réaménagement différé).
  • Nota : Seul l’accès Ivry est municipal, les autres bien que financés à 90 % par la mairie, dépendent de l’ASL Olympiades qui en assume la maintenance.
  • Dans tous les cas, le fonctionnement des ascenseurs est aléatoire, sujet à de fréquentes pannes ou interruptions pour entretien.

La galerie du Stadium dite  « le tunnel »

Ce passage inachevé, sombre et sordide, est consécutif à la décision de l’aménageur de déplacer l’entrée du Stadium à grands frais (travaux excessifs et conséquences sur les commerces existants). Ce choix, contesté avec bon sens par les habitants, est responsable pour une part, de l’échec de la commercialisation des boutiques et du déficit de l’opération. L’insuffisance d’éclairage diurne et nocturne est un des principaux facteurs propices à l’insécurité. Les services techniques de la Ville de Paris ont été sollicités par la Mairie du treizième. À suivre…

Alain Joubaire


  1. Le compte-rendu du bureau d’animation du 20 avril 2013.
  2. À propos d’Isabelle Bonté, sculptrice et plasticienne.
  3. À propos de l’association Envol.
  4. À propos de l’architecte Michel Holley.
  5. Les Olympiades. Quelles perspectives ? (octobre 2001).
  6. GPRU Olympiades. Diagnostique urbain et propositions (décembre 2002).
  7. À propos de l’Association des paralysés de France.

Modernité des Olympiades

L’esplanade des Olympiades

Les Olympiades, une nouvelle ville dans la ville

L’exposition de Pavillon de l’Arsenal, consacrée début 2013 aux quarante ans des Olympiades, est maintenant terminée. Elle a été mise en scène par Françoise Moiroux à qui l’on doit aussi le n° Hors-Série de Connaissances des Arts Les Olympiades Paris XIIIe. Une modernité contemporaine. On y voit comment, sur les terrains ferroviaires de la Gare des Gobelins, tout le quartier industriel des anciennes usines Panhard s’est retrouvé remodelé. Des tours et des barres portant le nom de villes olympiques ont été construits sur dalle, formant le quartier des Olympiades. La hauteur avait pour raison de gagner de la place au sol, de séparer les fonctions (trafic ferroviaire, parkings, commerces et loisirs, habitat, bureaux) en les superposant et de séparer la vie des piétons de celle des automobiles. C’était le premier acte de l’opération Italie qui s’inscrivait dans un projet d’aménagement ambitieux (une autoroute urbaine, 55 tours dans l’arrondissement). La crise économique et la décision de Giscard d’Estaing de plafonner les hauteurs de construction à Paris de 1975 ont mis fin à ce type d’urbanisme. A la mixité des fonctions s’ajoutait une réelle mixité sociale puisque ont été construits des immeubles destinés soit au secteur privé, soit aux logements aidés et logements sociaux. Les constructions dues à Michel Holley présentaient un caractère pionnier et une qualité architecturale reconnus malgré les critiques soulevées par l’urbanisme de dalles[1].

Les associations locales, dont ADA 13, ont cherché dès le début à pallier les difficultés liées à ce bouleversement complet d’un quartier remodelé sur les ¾ de sa superficie : nécessité d’obtenir les équipements promis, relogement des anciens habitants (voir sur notre site :  http://www.ada13.com/historique/operation_italie.htm). Avec le temps, la desserte des transports a été améliorée, écoles et médiathèque ont été construits aux environs. Restent les problèmes liés au statut de ces espaces privés d’usage public et le surcroît de charges que cela occasionne pour les résidents. Cette question n’est toujours pas réglée malgré le reclassement de la dalle et des voies souterraines en 1976. La Ville a aussi procédé à des opérations de réaménagement (accès, Stadium) et d’action sociale. On regrette pourtant que ces opérations n’aient pas amélioré l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite.

Le regain d’intérêt pour ce site s’accompagne de l’idée d’en poursuivre l’aménagement qui avait été interrompu vers le sud avec la réorientation de 1975. Un tel projet irait dans le sens du regain de dynamisme de la partie sud de l’arrondissement vers Masséna-Bruneseau et des perspectives liées à l’essor du Grand Paris.

[1] Voir aussi La Gazette du 13e, n° 87, janvier 2013 et n° 88, avril 2013

Les Olympiades, un projet de rénovation

Conférence de Michel Holley, architecte en chef du projet Olympiades,
à l’université Pierre Mendès-France (Paris I) le 2 mars 2013

Conférence de Michel Holley

Michel Holley, architecte des Olympiades

À l’occasion des 40 ans de cette opération d’urbanisme,  deux court-métrages ont été projetés par Isabelle Bonté, réalisatrice et habitante de la dalle :le premier était une promenade de découverte du site actuel (2008) ; le deuxième était un extrait de la conférence donnée par M Holley au Pavillon de l’Arsenal en 2009. Celui-ci est ensuite intervenu puis il y a eu un débat consacré à l’historique de cette opération.

Le plan de 1968 prévoyait des immeubles atteignant 100 m de haut, alors que jusque là les constructions étaient limitées à 7 étages. Les tours ne devaient pas être alignées mais organisées en bouquets selon le rythme d’une composition quasi-musicale. Les fenêtres devaient être à l’échelle d’immeubles de grande hauteur, articulées en damier comme dans un tissu de pied-de-poule.

L’arrivée de de Gaulle au pouvoir a libéré les énergies et a fait émerger un modernisme difficilement accepté jusque là en surmonteant les pesanteurs antérieures. C’est le moment de la réalisation du plan Lafay  et où  Roussy fait appel à Michel Holley pour superviser l’aménagement parisien. Celui-ci a fréquenté tous les grands architectes du 20ème siècle et tout particulièrement Mies van der Rohe. Il a séjourné à Chicago et a parcouru toutes les grandes capitales du monde.  M Holley rassemble à l’Hôtel de Sens une trentaine de personnes qui répertorient au 500e toutes les maisons parisiennes. Il apparaît que ne sont appelées à durer que les bâtiments de moins de 100 ans,  d’au moins 7 étages et  dotés d’un certain confort. Tous les autres immeubles, plus bas et plus anciens, peu confortables, sont appelés à disparaître. Il en ressort que 1500 ha de terrains peuvent être réaménagés, avec des îlots de rénovation. Le modèle est celui des Etats-Unis avec ses placettes, l’implantation diversifiée de bâtiments, la disparition de la rue, l’émergence de la notion d’espace partagé et d’espace protégé. Le Front-de-Seine était conçu comme un balcon sur le fleuve, mais il y a eu dérive entre la conception et l’exécution du projet. La dalle piétonne devait être une promenade parisienne mais est devenue un ghetto et l’ensemble a pris l’aspect d’une forteresse. Il faut une surface minimale de 10 à 20 ha car un îlot isolé s’intègre difficilement.

Aux Olympiades, M Holley, chargé d’élaborer le plan-masse, a développé le système expérimenté au Front-de-Seine. L’avenue d’Italie devait s’articuler à l’axe autoroutier Nord-Sud. Il était prévu qu’un cinquième des immeubles (haussmanniens) seraient conservé et qu’un tiers de terrains seraient récupérés (terrains vides, friches industrielles). Une tour signal devait être construite à la Porte d’Italie. Il est décidé de construire un tiers HLM, un tiers logements libres, un tiers logements aidés. En 1965, M Holley propose à la SNCF de garder la gare et de construire au dessus : le principe en est accepté avec cession des droits à bâtir. Une place centrale et une rue piétonne et commerçante doivent être aménagées au pied des tours.

Le dynamisme de cette opération a été extraordinaire car elle a été réalisée en 5 ans (25 ans pour le Front-de-Seine, dans le contexte d’expansion économique des 30 Glorieuses. On a décidé de faire grand. Il y avait à la fois des besoins et les moyens. Le coup d’arrêt de ce boom, relatif mais vivement ressenti, a été l’affaire de Suez : on recensait 32 000 dépôts de permis de construire en 1972 et il y en aura seulement moins de 3 000 en 1974. La perte d’autonomie des moyens s’est accompagnée d’un dynamisme moindre malgré des périodes de reprise. Il y eu distorsion entre des projets ambitieux et leur réalisation, rendue difficile par le contexte. C‘est le cas pour le 13e arrondissement où une partie des 55 tours prévues  n’a pas été réalisée. Aux  Olympiades l’opération engagée avec aménagement sur les terrains ferroviaires n’a pas été terminée vers le Sud (couverture prévue, écoles, autres tours). Il faudrait reprendre le projet. Celui-ci n’a pas été arrêté pur des raisons idéologiques mais par manque de demande et de moyens, avec un retour aux réglementations anciennes. Valéry Giscard d’Estaing s’est impliqué pour des motifs personnels parce que de son bureau il apercevait les tours de la Défense qui bouchaient son horizon. On a alors critiqué la tour Montparnasse mais elle marque Paris. Les tours supposent un mode de vie complètement différent  de celui plus traditionnel des immeubles haussmanniens mais  qui a fini par s’imposer après avoir fait scandale. Elles entrent maintenant dans le patrimoine architectural comme l’a montré la conférence à l’Arsenal, sollicitée en 2009. Cependant il faut éviter un classement à l’inventaire des monuments historiques qui serait une catastrophe. La vie dans les tours implique cependant des contraintes de chauffage, éclairage, un coût élevé des charges et une nécessité de s’adapter aux évolutions.

Eric Offredo, élu du 13e et  habitant du quartier depuis son enfance, rappelle que les enfants du voisinage enviaient la qualité de vie dans les tours. A propos des projets de reprise de ce chantier, et notamment de couverture de la dalle, il fait remarquer que désormais les procédures sont plus lourdes, avec une phase de consultation des habitants et des associations. Cela prend du temps mais  mais les opérations sont mieux finies et mieux acceptées. Il y a aussi le problème toujours pas résolu de la gestion des espaces privés ouverts au public avec un surcroît des charges. L’origine tient à la phase d’expropriation avec collectivisation des droits à bâtir affectés à un îlot. C’est une survivance de ce qui se faisait pour les expropriations dans les campagnes depuis une loi de Napoléon III avec un partage des servitudes entre propriétaires privés.

Michel Holley, fasciné par l’audace des architectes américains qu’il a alors connus, a voulu donner l’accès à la lumière, libérer l’espace tout en conservant ce qui fait la spécificité de Paris : son horizontalité. Il a cherché à créer des espaces urbains intimes sur une place (la Plaza), lieu de circulation où les jeunes peuvent descendre et se déplacer sans danger. Si au lieu des 7 étages traditionnels on en fait 4 fois plus, soit 28, on conserve l’horizontalité et on gagne de la place.

Les immeubles de bureaux ont été construits en verre afin d’en assurer l’éclairage maximum sur le modèle New-Yorkais. Par contre les immeubles d’habitation ont été réalisés en béton pour assurer intimité, sécurité, avec seulement 10% de la surface pour les fenêtres. Ce béton est personnalisé avec un grain spécifique pour chaque bâtiment. Il y a ainsi différenciation du module de base à l’intérieur de constructions en série, mais cela seulement pour les tours en accession à la propriété. Il faut noter que si les ILN ont eu les moyens de construire en hauteur, à la différence des HLM qui ont été réduits à des barres, ils n’ont pas pu financer une peau luxueuse en façade et ont dû se contenter d’un décor minimaliste.