Intrinsèque beauté des tours

Panneau d’exposition | Intrinsèque beauté des tours (texte de Jacques Goulet)


« Les Parisiens veulent tout à la fois…
Galaxie le leur offre.¹ »

Mes parents n’aimaient pas l’immeuble que j’habite maintenant ni ses trois jumeaux, en cours d’achèvement. Les regardant de loin, en 1976, ils ont déclaré que c’étaient de « véritables cages à lapins » : pas de toiture digne de ce nom, un nombre d’étages impressionnant, des alvéoles toutes identiques dans des parallélépipèdes dénués de charme ! L’idée que personne ne puisse repérer de loin la fenêtre de sa chambre les horrifiait.
Quand j’ai emménagé tour Rubis, près de la place d’Italie, au-dessus de Galaxie — on appelait ainsi le centre commercial devenu Italie 2 et l’îlot d’habitations qui le surplombe —, les réactions de ceux à qui j’annonçais que j’allais habiter un trentième étage m’ont étonné, c’était tout juste si on ne compatissait pas. Depuis la fin des années quatre-vingt, les tours n’ont pas gagné les faveurs des Parisiens, je crois qu’elles ne les ont jamais eues. Dans de récentes enquêtes d’opinion, seule une minorité se dit favorable à de nouvelles tours, même si les avantages que cet habitat présente pour la collectivité sont mieux perçus qu’à l’époque. Les jeunes sont les moins réticents, et ce sont les habitants des tours qui ont la meilleure opinion de cette architecture.
Qu’on ait osé donner des noms de pierres semi-précieuses à quatre tours de la place d’Italie (Béryl, Jade, Onyx et Rubis) et à une barre (Agate) m’a toujours amusé. J’habite depuis 1989 une tour conçue par des architectes dont j’ai peiné à trouver les noms. Lus sur un plan puis découverts dans un livre, ces noms ne disent plus rien à personne : Pierre Havard a été l’architecte de conception, et Jacques Guillet, l’architecte consultant.
Une voisine qui fut parmi les premiers occupants de Rubis m’a confié des documents de l’époque où elle acheta son trois-pièces au 31e étage. Autant les plans de chaque appartement, qui avaient une valeur contractuelle, sont précis, autant la préfiguration d’ensemble que l’on destinait aux bureaux de vente paraît trompeuse. Même les couleurs sont fausses, le macadam de l’avenue d’Italie est bleu, les proportions ne sont pas respectées. Ainsi, on voit six files de voitures dans chaque sens, alors qu’il n’y eut jamais que cinq voies en tout et que l’avenue, bien reconfigurée à la fin du siècle dernier, est à deux fois deux voies. Derrière Rubis, on perçoit l’ébauche de la tour de bureaux qui, longtemps programmée, souvent remaniée, ne fut jamais édifiée.
L’illustrateur se projetait dans un futur esquissé par les politiques : au début des années soixante-dix, on avait décidé de faire de l’avenue d’Italie une pénétrante en lui donnant, à l’égal des Champs-Élysées, une largeur de 70 mètres, au lieu de 40 mètres. On envisageait donc de détruire des immeubles en bon état, comme la poste centrale, mais on ne l’annonçait pas. Au Conseil de Paris, Claude Bourdet, élu PSU du XIIIe, attaquait cette politi­que, il redoutait le bruit et la pollution pour les riverains. Et Janine Alexandre-Debray dénonçait des projets « criminels ». En fait, les autorités de l’État s’apprêtaient à faire vivre une fraction de la population parisienne en bordure d’une autoroute, là comme le long de la « radiale Vercingétorix ».

[…]

  1. Cette phrase est illustrée par une projection de ce que serait le début de l’avenue d’Italie une fois l’opération Galaxie menée à son terme, telle qu’elle était envisagée au moment où l’on vendait les appartements en cours de construction, sur la jaquette du dossier de chaque projet de vente. Le document daterait de 1972.

L’article « Intrinsèque beauté des tours » a été publié en février 2009 dans la Revue des Deux Mondes. Il est disponible dans son intégralité sur le site web de la revue.


Le panneau d’exposition Intrinsèque beauté des tours est disponible au téléchargement au format PDF.


Photographies : Pierre et Alain Cimaz – Coll. Jacques Goulet – Fonds Ada 13


Au sommaire de l’exposition “Une histoire parisienne de la démocratie participative…


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Réponses d’Europe Écologie les Verts au courrier d’Ada 13 du 27 février 2014

Paris, le 10 mars 2014

Madame, Monsieur,
Comme suite à votre courrier du 27 février posant des questions particulièrement pertinentes, je vous adresse, ci-joint, les réponses que je peux vous apporter.
Celles-ci sont nécessairement succinctes et je reste à votre disposition pour approfondir tel ou tel point que vous souhaitez.
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en mes sentiments les meilleurs.
Yves Contassot


Réponses au courrier du 27 février 2014

1. Révision du PLU
Avant toute nouvelle opération de révision générale du PLU, il conviendra de tirer un bilan détaillé de l’actuel PLU et du PADD. En effet ce dernier prévoyait, à tort selon moi, la construction de bureaux en nombre très élevé, la possibilité de dépasser les plafonds de hauteur et, de façon plus positive, l’obligation de réserver une partie des programmes en logements sociaux ou le maintien de commerces.
Afin de favoriser une démarche participative, il faudra repartir des 11 000 propositions formulées par les citoyens et leurs associations et examiner point par point, ce qui a été fait ou non et les conséquences sur les quartiers.
Cela prendra nécessairement beaucoup de temps et devra être organisé de façon très décentralisée. La création de comités locaux de pilotage de révision du PLU ayant comme mission première de tirer le bilan du précédent PLU me parait une nécessité. lls devront être composés de façon pluraliste intégrant les associations locales, les conseils de quartier (sans élu !), des citoyens, etc.

2. Densité
Paris a atteint déjà un niveau très élevé et la priorité n’est pas à son accroissement. À ce stade il convient plutôt d’avoir une approche métropolitaine afin de répartir les différentes fonctions de la ville à ce niveau : habitat, emplois, loisirs, espaces verts, etc.
De plus la création de nouveaux logements à Paris, notamment dans le parc social, s’est traduite par une diminution de la surface moyenne des logements passant de 80 à 60 m² ce qui implique une dégradation des conditions de logement et une densification par logement. Au surplus cela condamne un peu plus les familles à quitter Paris. En l’occurrence il s’agit d’un artefact permettant d’accroître artificiellement le nombre de logements sociaux, l’IAU ayant publié une étude montrant que 50 % des nouveaux logements ont été créés par découpage d’anciens logements.

3. Plan climat
La solution consiste à imposer la rénovation thermique au même titre que l’accessibilité avec une échéance suffisamment longue (environ 15 ans) pour que les propriétaires aient le temps de s’organiser. Cela dit il ne peut s’agit que d’une décision législative mais la ville peut y contribuer en incitant plus fortement les propriétaires. (Cf. mon programme)

4. Logement
À ce stade, il convient de modifier la répartition des programmes prévus sur PRG pour aller vers un rééquilibrage au profit des logements et au détriment des bureaux. De plus il faut impérativement accélérer la transformation de bureaux vides en logements.
Je préconise une réelle mixité des logements créés en établissant un zonage très fin : davantage de logements très sociaux dans le nord du 13e et plus de logements à destination des classe moyennes dans le sud.

5. Logement (suite)
Limiter la hausse des loyers passe par une lutte plus intense contre la spéculation immobilière, cette dernière alimentant la première. À cette fin la Ville pourrait mettre en œuvre la procédure de préemption renforcée dont elle dispose y compris dans le diffus. Toute DIA qui dépasserait un niveau fixé et rendu public se traduirait par la préemption par la ville faute pour le vendeur de vouloir baisser son prix de cession (pratique de Saint-Ouen). Par ailleurs il faut que les « zinzins » reprennent leur programme de construction, création de logements à prix limité afin de faire baisser les prix de référence prévus dans la Loi Alur.

6. Transports
La priorité consiste à améliorer l’existant par la généralisation des horaires en soirée pour tous les bus, assortie d’une augmentation des fréquences qui ne doit pas dépasser 5 min. en journée et 10 min. en heures creuses.
Je préconise également la mise en accessibilité de l’ensemble de la ligne 6 en commençant par les stations aériennes car cela est très facile et peu couteux.
J’ai proposé que le futur Tzen 5 ait pour terminus la Gare d’Austerlitz et non pas le milieu de l’avenue de France. J’ai proposé également que le 83 passe par Denfert-Rochereau et que soit créées des traverses supplémentaires dans certains quartiers.
En la matière la ligne générale est de privilégier les circulations douces et les transports en commun.

7. Environnement
Pour la Petite Ceinture, je me suis prononcé depuis très longtemps pour qu’elle devienne un lieu de promenade pour les piétons tout en préservant sa richesse au plan de la biodiversité. Quelques aménagements tels que des jardins partagés pourraient toutefois y voir le jour.
Pour ce faire il convient que la Ville de Paris ose enfin lancer une procédure d’achat ou de bail emphytéotique sauf si RFF accepte de mettre gratuitement à disposition l’emprise. La mobilisation de la population à cette fin devrait être organisée par la Mairie afin de peser sur RFF et le contraindre à sortir de l’immobilisme.

8. Environnement (suite)
L’installation de bancs en grand nombre figure parmi mes priorités. L’argument selon lequel les bancs seraient source de nuisance n’est pas acceptable au regard du service rendu.

9. Quartiers isolés du 13e
Au plan de la desserte, j’ai indiqué la nécessité de développer les traverses. Cependant je plaide également pour le prolongement de la ligne 5 jusqu’à la mairie de Montrouge ou la Porte d’Orléans pour désenclaver tout le sud de l’arrondissement.
Cependant l’isolement de certains quartiers ne ressortit pas seulement à la question des transports mais plus largement à la question de l’inclusion sociale, culturelle, éducative, environnementale.
Un effort tout particulier doit être fait pour investir massivement dans ces quartiers et ne pas laisser les associations seules face à ces quartiers.

10. Commerces et services
La création et l’action de la Semaest a été positive mais insuffisante. De même les protections du PLU sont utiles sous réserve qu’elles puissent se traduire au plan opérationnel. Or dans ce domaine la question financière l’emporte trop souvent et il faut que les dotations à la Sem soit plus importantes afin de lui donner des moyens d’agir à la hauteur des enjeux et ce, sur tout le territoire parisien.

11. Conseils de quartier
Actuellement les conseils de quartier sont en phase de déclin avec une faible participation des habitants et une main mise un peu trop avérée des élus et de la mairie sur les Conseils. De plus les moyens alloués aux Conseils sont très faibles notamment en matière de communication ou d’investissements. C’est sur tous ces points que les évolutions doivent intervenir : augmentation significative des budgets laissés à la discrétion des Conseils, suppression des élus référents dans les conseils, dotation de moyens d’information conséquents pour pouvoir informer l’ensemble des habitants des réunions, droit d’inscription automatique des vœux des Conseils de quartier lors de la réunion du Conseil d’arrondissement, etc.

12. Accueil santé
Dans mon programme figure la création de maison de santé (conventionnées en secteur 1) afin d’offrir l’accueil auquel les habitants ont droit. De plus la ville devrait soutenir plus activement les centres de soins pour éviter les fermetures. De même nous préconisons l’ouverture d’un centre de médecine chinoise conventionné au sein de La Salpêtrière (bien qu’un embryon existe déjà).

13. Sans domicile fixe
La question des SDF ne saurait se limiter à la question du logement même si cette dernière est cruciale. D’expérience, pour avoir accompagné des SDF dans leur démarche, je sais à quel point la question de l’accompagnement personnalisé est fondamentale pour la réinsertion de personnes désocialisées. Cela passe donc par un renforcement des moyens humains des services sociaux avec comme priorité d’aller sur le terrain au-devant et à la rencontre des SDF. Une fois ces contacts établis il faut encore du temps, hélas, avant que la plupart accepte de déposer une demande de logement. Le passage par des logements passerelles est à cet égard un moyen souvent efficace s’il est doublé d’un accompagnement de proximité.
Cela doit conduire à multiplier les structures d’accueil et les logements sociaux sous toutes leurs formes, tout en développant en parallèle la mobilité résidentielle, seule à même de sortir du goulot d’étranglement actuellement constaté.

14. Associations
Non seulement l’actuelle Maison des associations est trop petite vu la richesse associative du 13e, non seulement il en faut une deuxième, mais il faut aussi permettre aux associations d’avoir leurs propres locaux si elles le souhaitent.
Cela devrait passer par une tarification spécifique des locaux gérés par les bailleurs sociaux et la rupture avec la politique menée actuellement visant à louer systématiquement au prix du marché commercial.
De plus une deuxième maison ne saurait être localisée tout près de la mairie comme cela est envisagé mais au contraire en tenant compte d’une répartition harmonieuse dans le 13e.
On pourrait même à terme avoir d’autres maisons des associations de taille plus modeste dans plusieurs quartiers pour mailler l’ensemble de l’arrondissement.

15. Paris Métropole
EELV a déposé un amendement lors du débat parlementaire pour que les conseillers métropolitains soient élus au suffrage universel direct. Malheureusement ils ont été les seuls à défendre ce point de vue. En conséquence, les conseillers métropolitains seront élus au deuxième voire troisième niveau donc de façon totalement non démocratique.
Pour ce qui concerne la phase de préfiguration il faut attendre la publication du décret fixant la composition de la mission. Pour ma part je plaide pour une représentation des élus à la proportionnelle des résultats des élections et pas seulement en fonction du nombre d’élus au Conseil de Paris.

16. Paris Métropole (suite)
Le risque d’une distance encore plus grande entre les citoyens et les lieux de décision est réel. Cela implique encore plus la déconcentration au sein de la métropole du Grand Paris selon le principe de la subsidiarité. Cela implique que les niveaux infra-métropolitains disposent d’une autonomie budgétaire réelle pour les investissements à leur niveau, budget eux-mêmes subdélégués à des niveaux plus fins (cf. Conseils de quartier). De plus je plaide pour que les décisions concernant un territoire donné ne puisse se prendre qu’avec une majorité qualifiée afin d’éviter l’actuel système de majorité automatique.