Réinventer Paris avenue d’Italie : un projet innovant

Le projet atelier d’architecture autogérée est dénommé Wiki Village Factory (WVF)

Le projet de l’atelier d’architecture autogérée est dénommé Wiki Village Factory (WVF)

La Ville de Paris a présélectionné trois projets pour chacun des 25 sites de l’opération Réinventer Paris. Rappelons qu’il s’agit de réaliser, sans dépense publique, des programmes « innovants » sur des terrains appartenant à la collectivité. Un jury international départagera prochainement les candidats encore en lice.

Compte tenu des conditions du concours, peu d’informations circulent. Mais Ada 13 a pu rencontrer le cabinet aaa (atelier d’architecture autogérée) qui a déposé une proposition pour l’avenue d’Italie, sur l’espace compris entre l’avenue et le centre commercial.

L’aaa se veut être une plate-forme collective d’exploration, d’action et de recherche autour des mutations urbaines et des pratiques culturelles, sociales et politiques émergentes de la ville contemporaine. Elle souhaite favoriser la participation des habitants à l’autogestion des espaces urbains délaissés, et contourner les stéréotypes par des projets réversibles.

Le projet de l’atelier d’architecture autogérée est dénommé Wiki Village Factory (WVF). Il est proposé en partenariat avec REI France, la Nef, étic, le groupe SOS, enercoop, biocoop, terre de liens, Jardins de Cocagne, Habitats Solidaires, le 6b, étamine, Oregon, Écodesign Fab Lab, Macogep, Canada et Massachusetts Institute of Technology (MIT), États-Unis. Il s’agit de réunir des organismes d’innovation sociale dans un bâtiment participatif et autogéré.

Les activités proposées sont l’agriculture urbaine, l’apiculture, le recyclage et la réparation (notamment avec des imprimantes 3D), les circuits courts, l’entreprenariat social, une crèche, des restaurants (où seraient proposés les produits cultivés sur place) etc. Chaque programme disposerait d’un accès en rez de chaussée.

Les bâtiments comporteraient quatre étages dans la partie Nord mais seulement deux dans la partie Sud afin de ne pas gêner les habitants de la tour Béryl. Un passage piéton serait réservé entre WVF et l’ensemble Galaxie.

Ada 13 est séduite par ce projet réellement innovant et qui associe des partenaires attachants. Cela nous paraît aller dans la direction de la ville que nous souhaitons pour demain.

Projet-AAA-WVF

Le Corbusier dans le 13ᵉ arrondissement
La péniche Louise-Catherine (1929-1930)

La péniche Louise-Catherine (1929-1930) - Photographie : J.-F. E.

La péniche Louise-Catherine (1929-1930) – Photographie : J.-F. E.

♠ La péniche a été construite en 1919 pour alimenter Paris en charbon à partir de Rouen. Elle est alors appelée « Liège ». Elle est construite en béton en raison de la pénurie d’acier dans cette période, est longue de 70 m et large de 8 m, et elle pèse 700 tonnes.

♠ Désaffectée après guerre, la péniche est alors transformée en asile flottant, après avoir été rachetée en 1929 par l’Armée du Salut. Elle est baptisée « Louise-Catherine » du nom de Louise-Catherine Breslau, peintre et amie de Madeleine Zillhardt qui a financé le projet et de la princesse Singer de Polignac, mécène de l’Armée du Salut qui impose Le Corbusier, déjà engagé dans le projet de la Cité de refuge. Celui-ci, amateur de cargos, y aménage trois « nefs » où sont installés des dortoirs de 64 places chacun avec autant de casiers de rangement, un réfectoire de 36 places, une cuisine, des sanitaires, deux appartements pour le directeur et pour le marinier, un jardin suspendu. La surélévation du pont permet d’éclairer et de ventiler le corps du navire où sont installés à chaque extrémité les deux dortoirs, séparés par un bloc de service. L’architecte crée des soupentes pour casser les volumes, et il érige 36 poteaux en ciment armé qui portent le toit-terrasse et libèrent les façades de leur fonction porteuses selon un qui principe sera repris dans la maison « Dom-Ino ». Cet aménagement est en effet l’occasion d’expérimenter des théories de Le Corbusier qui seront développées par la suite. On peut noter aussi que les mesures de la péniche sont calées sur le futur Modulor qui servira à déterminer la structure et la taille des unités d’habitation.
La péniche doit accueillir des personnes en difficulté et servir l’été de colonie de vacances. La Louise-Catherine, inaugurée le 1er janvier 1930, connaît plusieurs emplacements sur la Seine : au Pont des Arts, à Saint-Germain-en-Laye puis au Pont d’Austerlitz. Elle est utilisée jusqu’en 1994 où elle est fermée pour des raisons de sécurité, la coque prenant l’eau.

♠ Après quelques années d’incertitudes, la péniche fortement délabrée est finalement revendue par l’Armée du Salut en 2006. L’association Louise-Catherine veut en faire un centre dédié à l’architecture. La restauration en a été confiée à l’agence Acyc. L’objectif de l’association Louise-Catherine, créée pour l’occasion, est de préserver et de faire revivre cette œuvre, emblématique de la modernité du 20e siècle et de « l’Esprit nouveau » et de rendre visible et lisible la péniche depuis les quais, le pont d’Austerlitz, les bateaux-mouches et le métro aérien. La restauration consiste à aménager trois nouvelles nefs en béton et de nouveaux accès, notamment pour les personnes à mobilité réduite. Pendant la durée des travaux, une structure métallique nommée Springtechture, réalisée par l’architecte Shuhei Endo, doit envelopper la péniche. C’est un gigantesque ruban métallique flottant, composé de trois séquences. La restauration est soutenue par la Drac, la Fondation Le Corbusier, la mairie de Paris et celle du 13e. Un appel à projets a été lancé par Ports de Paris désireux d’animer cette partie des berges.
Au moment de l’acquisition un état des lieux a été dressé par Michel Cantal-Dupart, président de l’association Louise-Catherine : examen de la coque pour sauvegarder la barge et identification des éléments d’origine (2 châssis, l’escalier principal, les soupentes, les placards, les poteaux).
La péniche doit devenir non seulement un lieu d’accueil, de rencontres et d’exposition sur l’architecture et sur Le Corbusier mais doit aussi rappeler son histoire.

Cinq patrimoines doivent être mis en valeur :

  • La barge en béton. Elle doit rendre visible la structure du bâtiment et permettre une lecture de l’histoire technique des bateaux en béton, une réflexion sur la rencontre entre construction navale et béton armé.
  • Le nom « Louise-Catherine ». C’est un hommage aux grandes figures des bienfaitrices, de l’Armée du Salut.
  • L’œuvre de Le Corbusier. Il s’agit de remettre en valeur l’aménagement de 1929 en rétablissant la lumière grâce à la restauration des châssis et guillotines, en retrouvant les couleurs d’origine et la perspective des 3 nefs (par enlèvement des ajouts), en restaurant l’inscription Louise-Catherine, le mât, les escaliers et soupentes, les casiers et placards, en réinstallant les cloisons, en terminant le jardin-suspendu jamais achevé.
  • La solidarité 1929-1994. L’histoire des 65 ans d’accueil des « sans-adresse, sans-repos, sans-taudis » doit faire l’objet d’une exposition d’archives de l’Armée du Salut (journaux, photos, films…).
  • Le patrimoine du futur « créer dans le créé » 2013-2023-3033. La Louise-Catherine synthétise les vingt premières années de travail de Le Corbusier selon M. Cantal-Dupart. C’est un point d’appui pour la réflexion, l’étude.

Ce « bateau-savoir » témoignera donc de l’histoire du lieu, sera un lieu d’exposition, de rencontres, d’information, d’éducation. Des partenariats doivent être établis avec des écoles et des universités : chantiers-écoles, formation qualifiante sur « la promotion du fleuve »… Ce sera un lieu culturel consacré à l’architecture fluviale : photos, vidéos, installations, et interventions d’artistes, inventions scénographiques.


Bibliographie

  1. L’asile flottant de l’Armée du Salut 1929-1930. Gilles Ragot, Mathilde Dion, Le Corbusier en France, Le Moniteur, 1997, p. 44.
  2. La Louise-Catherine : la péniche Le Corbusier. Décembre 2008, 20 pages.
  3. Aurélie Jacques, La péniche secrète de Le Corbusier. Inouï. C’est en réalisant cette œuvre que l’architecte a mis au point nombre de ses théories. Le Point, 18 octobre 2012.
  4. « Louise-Catherine » et Le Corbusier sont dans une péniche, Le Monde, 11 avril 2013.
  5. Olivier Flandin, La péniche en béton de Le Corbusier devient un centre sur l’architecture. Le Monde, 23 mai 2013.
  6. La péniche en béton de Le Corbusier transformée en centre d’architecture sur le quai d’Austerlitz. 28 mai 2013.
  7. Christophe Riedel, Péniche Le Corbusier restaurée : automne 2015. Parallèles potentiels, 20 octobre 2014.
  8. Édito, vidéo photos « 1919-1920 », « aujourd’hui », « demain » sur le site de Louise-Catherine SAS.
  9. Michel Cantal-Dupart, Avec Le Corbusier. L’aventure du « Louise-Catherine ». CNRS éditions, 2015.

Un arrondissement marqué par la verticalité

Panneau d’exposition | Un arrondissement marqué par la verticalité

Le treizième est l’arrondissement parisien qui a le plus grand nombre d’immeubles de grande hauteur (IGH).

Les années 1960 voient le début des constructions en hauteur dans le 13e, en rupture avec les règles antérieures, mais on ne s’aventure pas au-delà d’une vingtaine d’étages et de 70 mètres de haut. La tour Albert, premier « gratte-ciel » parisien date de 1961. Elle a été suivie par la tour Blanqui-­Corvisart (1962) et par la tour Plein-Ciel (1969). Quelques tours et barres apparaissent sur les îlots des Deux-Moulins et des Alpes.

Pendant la période 1970-1976, 41 permis sont accordés pour des IGH qui culmineront à 34 étages et à plus de cent mètres de haut (Super-Italie, 113 m).
Sur le terrain de l’ancienne raffinerie de sucre Louis Say, sont réalisés une tour isolée (le Nouveau Monde) et le groupe de trois tours aux noms égyptiens (Chéops, Chéphren, Mykérinos).

Sur le périmètre Italie

  • Quelques tours isolées sont construites :
    Le Périscope (Maurice Novarina, 1969) et la tour de l’université Paris-1 (Michel Andrault et Pierre Parat, 1973) ; en 1975, les tours Super-Italie (Maurice Novarina), Chambord (Daniel Mikol) et Antoine-et-Cléopâtre (Michel Holley) sont les témoins rescapés d’opérations inachevées.
  • Les autres tours sont regroupées en bouquets :
    Les Olympiades, sur une dalle à l’emplacement de la gare des Gobelins (6 tours de copropriété, 2 tours ILN, 3 barres HLM), l’ensemble Masséna, sur les terrains de l’ancienne usine Panhard-et-Levassor (13 tours, 3 barres), le complexe Galaxie, place d’Italie (4 tours et 1 barre).

Après le coup d’arrêt donné aux constructions en hauteur par le président Valéry Giscard d’Estaing en 1974, 28 tours auront été réalisées sur les 55 prévues pour l’opération Italie. L’opposition personnelle de Giscard aux tours a compté mais plus encore les effets de la crise (renchérissement du foncier et de l’énergie, incertitude économique).

De 1974 à nos jours, les hauteurs restent plafonnées à 37 m. Seule exception, les quatre tours de la BnF sont construites en 1995 dans le secteur Paris-Rive gauche. La Ville, plus récemment, a décidé de construire de nouvelles tours en périphérie grâce à un assouplissement des règles de hauteur du PLU (maximum de 50 m pour les habitations et de 180 m pour les bureaux). Les tours Duo de Jean Nouvel dans le quartier Masséna-Bruneseau sont destinées à héberger des bureaux, alors que les tours des années 1970 étaient destinées au logement.


Les tours ont fait débat pour Ada 13 dès le départ  :

les avis pour et contre se sont confrontés, notamment lors du débat mené en présence de Christian de Portzamparc en juin 2004
(ABC 13, nº 106, septembre 2004, p .9-10.).
Ce type d’habitat a dans un premier temps séduit par l’offre de logements à prix modéré et par son image de modernité. Ceux qui s’y sont installés (10 % de la population du 13e) manifestent en général une opinion plus favorable que ceux qui les regardent d’en bas. Les tours ont souvent été présentées comme un moyen de gagner de la place au sol et comme un signe fort dans le paysage de Paris.
Les critiques portent sur la banalité architecturale de la plupart des tours, sur leur aspect inhumain (les « cages à poules »), sur la coupure entre l’habitant et son quartier, sur la saturation des réseaux de transport, sur l’insécurité supposée (peur des incendies), sur le coût de construction et d’entretien des IGH. L’enjeu écologique semble aujourd’hui dépassé pour les nouvelles tours, grâce aux performances techniques annoncées, mais il faut beaucoup d’énergie pour les bâtir.
Pour Ada 13, le problème de la hauteur s’apprécie au cas par cas. À Masséna-Brunesau, elle avait proposé un contre-projet valorisant le potentiel du site (possibilité de développement de transport mul­timodal et d’activités de production). Confrontée à la décision de la Ville de reconstruire des tours, elle recommande la vigilance :

  • Les tours doivent être bien insérées dans le contexte urbain et ouvertes sur le quartier ;
  • Elles doivent comporter, en pied d’immeuble, des équipements, des services, des commerces de proximité (entre les étages – 3 et + 1) ;
  • La desserte par les transports collectifs doit être satisfaisante.

Pour Ada 13, la question principale est :
faut-il encore densifier Paris intra-muros ?
Le débat reste ouvert !


Le panneau d’exposition Un arrondissement marqué par la verticalité est disponible au téléchargement au format PDF.


Au sommaire de l’exposition “Une histoire parisienne de la démocratie participative…


Les informations et visuels présents dans cette page peuvent faire l’objet de restrictions de reproduction ou de diffusion en dehors du cadre strict de leur publication sur le blog d’Ada 13. Pour plus d’information, nous vous remercions de prendre contact avec le webmestre par courrier électronique.

Intrinsèque beauté des tours

Panneau d’exposition | Intrinsèque beauté des tours (texte de Jacques Goulet)


« Les Parisiens veulent tout à la fois…
Galaxie le leur offre.¹ »

Mes parents n’aimaient pas l’immeuble que j’habite maintenant ni ses trois jumeaux, en cours d’achèvement. Les regardant de loin, en 1976, ils ont déclaré que c’étaient de « véritables cages à lapins » : pas de toiture digne de ce nom, un nombre d’étages impressionnant, des alvéoles toutes identiques dans des parallélépipèdes dénués de charme ! L’idée que personne ne puisse repérer de loin la fenêtre de sa chambre les horrifiait.
Quand j’ai emménagé tour Rubis, près de la place d’Italie, au-dessus de Galaxie — on appelait ainsi le centre commercial devenu Italie 2 et l’îlot d’habitations qui le surplombe —, les réactions de ceux à qui j’annonçais que j’allais habiter un trentième étage m’ont étonné, c’était tout juste si on ne compatissait pas. Depuis la fin des années quatre-vingt, les tours n’ont pas gagné les faveurs des Parisiens, je crois qu’elles ne les ont jamais eues. Dans de récentes enquêtes d’opinion, seule une minorité se dit favorable à de nouvelles tours, même si les avantages que cet habitat présente pour la collectivité sont mieux perçus qu’à l’époque. Les jeunes sont les moins réticents, et ce sont les habitants des tours qui ont la meilleure opinion de cette architecture.
Qu’on ait osé donner des noms de pierres semi-précieuses à quatre tours de la place d’Italie (Béryl, Jade, Onyx et Rubis) et à une barre (Agate) m’a toujours amusé. J’habite depuis 1989 une tour conçue par des architectes dont j’ai peiné à trouver les noms. Lus sur un plan puis découverts dans un livre, ces noms ne disent plus rien à personne : Pierre Havard a été l’architecte de conception, et Jacques Guillet, l’architecte consultant.
Une voisine qui fut parmi les premiers occupants de Rubis m’a confié des documents de l’époque où elle acheta son trois-pièces au 31e étage. Autant les plans de chaque appartement, qui avaient une valeur contractuelle, sont précis, autant la préfiguration d’ensemble que l’on destinait aux bureaux de vente paraît trompeuse. Même les couleurs sont fausses, le macadam de l’avenue d’Italie est bleu, les proportions ne sont pas respectées. Ainsi, on voit six files de voitures dans chaque sens, alors qu’il n’y eut jamais que cinq voies en tout et que l’avenue, bien reconfigurée à la fin du siècle dernier, est à deux fois deux voies. Derrière Rubis, on perçoit l’ébauche de la tour de bureaux qui, longtemps programmée, souvent remaniée, ne fut jamais édifiée.
L’illustrateur se projetait dans un futur esquissé par les politiques : au début des années soixante-dix, on avait décidé de faire de l’avenue d’Italie une pénétrante en lui donnant, à l’égal des Champs-Élysées, une largeur de 70 mètres, au lieu de 40 mètres. On envisageait donc de détruire des immeubles en bon état, comme la poste centrale, mais on ne l’annonçait pas. Au Conseil de Paris, Claude Bourdet, élu PSU du XIIIe, attaquait cette politi­que, il redoutait le bruit et la pollution pour les riverains. Et Janine Alexandre-Debray dénonçait des projets « criminels ». En fait, les autorités de l’État s’apprêtaient à faire vivre une fraction de la population parisienne en bordure d’une autoroute, là comme le long de la « radiale Vercingétorix ».

[…]

  1. Cette phrase est illustrée par une projection de ce que serait le début de l’avenue d’Italie une fois l’opération Galaxie menée à son terme, telle qu’elle était envisagée au moment où l’on vendait les appartements en cours de construction, sur la jaquette du dossier de chaque projet de vente. Le document daterait de 1972.

L’article « Intrinsèque beauté des tours » a été publié en février 2009 dans la Revue des Deux Mondes. Il est disponible dans son intégralité sur le site web de la revue.


Le panneau d’exposition Intrinsèque beauté des tours est disponible au téléchargement au format PDF.


Photographies : Pierre et Alain Cimaz – Coll. Jacques Goulet – Fonds Ada 13


Au sommaire de l’exposition “Une histoire parisienne de la démocratie participative…


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Opération Italie XIII
L’apprentissage de l’urbanisme concerté

Panneau d’exposition | Opération Italie XIII. L’apprentissage de l’urbanisme concerté

Photographies :
La maquette originelle du projet Italie, 1966 – Coll. Pavillon de l’Arsenal
La skyline après l’opération Italie XIII. Au premier plan, la tour Super-Italie.
Gustave Deghilage – Paris de ma fenêtre – 15 février 2011


L’histoire d’Ada 13 prend ses racines dans le treizième des années 60, une période de profondes mutations de la société, et sur un territoire qui va être bouleversé par l’ambitieuse opération d’urbanisme Italie XIII. Approuvée en 1966, Italie XIII sera une opération privée et sans expropriation, réalisée sous contrôle public.
Le non-respect par les promoteurs de leurs engagements concernant l’acquisition du foncier et le relogement, le retard dans l’implantation des équipements et la concertation limitée, au début, à l’enquête publique, inciteront les associations à investir le débat.
Au total, sur 15 ans et sur une superficie de 70 hectares, on construira beaucoup plus que prévu : 19 000 logements au lieu de 14 000, on quadruplera la surface de bureaux et de commerces.
Les fondateurs de l’association, Paul-Henri Chombart de Lauwe et Renaud Sainsaulieu, considérés comme les précurseurs de l’école française de sociologie urbaine, ainsi que Jacques Remond et Agnès Planchais, prendront une part essentielle dans le débat public provoqué par l’opération, contribuant ainsi, à impliquer la population dans les projets d’aménagement urbain, à poser les bases de la concertation moderne.


L’action d’Ada 13 relayée dans la presse

La rénovation du secteur Italie : une association d’habitants réclame des garanties plus précises

À la suite de la mise à l’enquête publique du plan d’urbanisme du secteur de rénovation Italie (Le Monde du 31 octobre), l’Association pour le développement et l’aménagement du treizième arrondissement (Ada 13) adresse plusieurs critiques au plan élaboré et réclame des garanties plus précises, notamment pour les équipements collectifs et le rôle respectif que devront jouer l’administration et la Fédération regroupant les différents propriétaires.
Au sujet de l’axe routier nord-sud, qui doit, selon le plan, emprunter l’actuelle avenue d’Italie, l’Ada 13 fait remarquer que le principe même de cette voie routière à grand débit n’a pas été définitivement adopté par le Conseil de Paris, et que dans le cas contraire elle entraînerait « une coupure du quartier qui compromettrait gravement une renaissance de la vie locale ».
Le plan proposé, tel qu’il résulte de la maquette exposée, repose sur une conception d’urbanisme « complètement périmée », déclare l’Association ; « des tours, isolées les unes des autres par de grands espaces sont le plus sûr obstacle à une vie urbaine harmonieuse fondée sur de nombreuses relations ».
Il apparaît, ajoute-t-elle, que la concertation prônée par l’administration est pour le moment limitée aux propriétaires et aux promoteurs. Les habitants devraient pouvoir, selon des modalités à définir, participer directement au contrôle de l’opération.

Le Monde, 20 novembre 1968


L’action d’Ada 13 dans les faits

Zéro expro ! La promesse sera tenue, mais les conditions dans lesquelles seront négociés les achats de terrains, en particulier avec les associations foncières urbaines, seront contestables.
Ada 13 interviendra. Elle tiendra une permanence pour conseiller les habitants avec pour mot d’ordre « Ne signez rien ! »
Personne à la rue ! Les relogements allaient de soi, sauf que le volet social avait tendance à oublier les très faibles revenus des personnes âgées…
Où sont les équipements ? Les promoteurs verseront à la ville une taxe d’équipement. Mais il y aura un décalage entre l’arrivée des habitants et la réalisation des équipements.
Un projet urbain contesté ! La polémique se cristallisera autour de la tour Apogée dont l’idée sera abandonnée comme beaucoup d’autres. Le treizième se signale par sa skyline, mais quelques urbanistes des sixties rêvaient de faire deux fois plus de tours !


Le panneau d’exposition Opération Italie XIII. L’apprentissage de l’urbanisme concerté est disponible au téléchargement au format PDF.


Au sommaire de l’exposition “Une histoire parisienne de la démocratie participative…


Les informations et visuels présents dans cette page peuvent faire l’objet de restrictions de reproduction ou de diffusion en dehors du cadre strict de leur publication sur le blog d’Ada 13. Pour plus d’information, nous vous remercions de prendre contact avec le webmestre par courrier électronique.

Les grandes opérations d’urbanisme depuis 50 ans

Panneau d’exposition | Les grandes opérations d’urbanisme depuis 50 ans


Le panneau d’exposition Les grandes opérations d’urbanisme depuis 50 ans est disponible au téléchargement au format PDF.


Au sommaire de l’exposition “Une histoire parisienne de la démocratie participative…


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Les 40 ans des Olympiades retracés sur France Culture

France Culture a diffusé le 9 juillet 2013, dans l’émission d’Emmanuel Laurentin, « La Fabrique de l’Histoire », un documentaire de Séverine Liatard et Séverine Cassar, intitulé Les Olympiades, un village dans la ville.

Cette émission a été réalisée à l’occasion des 40 ans des Olympiades, ensemble immobilier inclus dans le programme de rénovation du secteur Italie qui prévoyait à l’origine de construire 55 tours d’une centaine de mètres, entre Place d’Italie et Porte d’Italie, à l’emplacement de friches industrielles ou en rasant des îlots d’habitat insalubre. Il n’y aura finalement qu’une trentaine de tours, dont huit aux Olympiades, édifiées entre 1970 et 1976 sur une dalle surplombant l’ancienne gare des Gobelins qui a été reconstruite à cette occasion. Michel Holley était l’architecte en chef chargé de réaménager les terrains ferroviaires déclassés, qui a mis en pratique ses théories urbanistiques : regroupement des tours en bouquets différenciés à l’intérieur de chaque îlot, dessin des panneaux de façade, séparation des fonctions par niveaux. L’opération Olympiades relève de l’initiative de promoteurs et d’investisseurs privés. L’obligation qui leur est faite de reloger sur place les anciens habitants explique la parité entre logement public et privé et donc la réelle mixité sociale qui subsiste encore aujourd’hui. Jusqu’à l’arrêt de l’urbanisme vertical décidé en 1974 par  Giscard d’Estaing, les problèmes liés à ce type de rénovation ont été vivement critiqués, notamment par Ada 13 : appétit des banques et des promoteurs, non-relogement des anciens habitants, retard dans la livraison des équipements.

Actuellement l’entretien de la dalle pose problème. La Ville de Paris a financé des travaux de mise aux normes pour la circulation des personnes à mobilité réduite. Pour pallier au vieillissement de la dalle et pour améliorer la performance énergétique, d’autres travaux sont cependant à prévoir. Ils seront à la charge des copropriétaires : il s’agit d’un espace public de fait mais son statut juridique est celui d’un espace privé de droit. À l’extérieur l’image des Olympiades est plutôt négative, mais les habitants sont souvent attachés à leur dalle qui a des atouts : elle est désormais au cœur d’un important pôle d’activité, bien relayé par le réseau de transports, et il attire une nombreuse population. L’exposition de 2013 au Pavillon de l’Arsenal a contribué à réhabiliter cet ensemble qui occupe une place importante dans le quartier et l’arrondissement (3 000 logements).

Au cours de l’émission, l’histoire des lieux a été retracée grâce aux témoignages de Michel Holley, l’architecte en chef des Olympiades et de son adjoint André Martinat, de Françoise Moiroux, historienne de la ville, spécialiste de l’architecture du XXe siècle, commissaire scientifique de l’exposition sur les Olympiades au Pavillon de l’Arsenal.

Des habitants de la première heure qui aiment leur dalle se sont aussi exprimés. Parmi eux, Alain Joubaire, adhérent d’Ada 13, qui travaille depuis de longues années à la sauvegarde et à la mise en valeur de ce site.